Intervention, Langage - Dév., Langage écrit, Préscolaire, Scolaire, trouble développemental du langage

10 principes à garder en tête lors d’une intervention en narration

Ce résumé a été rédigé par Julie Cattini. Julie est orthophoniste au Luxembourg, elle adore lire des articles pour mieux prendre en charge ses patients et elle aime aussi partager ses lectures. Un énorme merci à Julie pour toutes ses contributions au blogue! 

Titre de l’article : Narrative Intervention: Principles to Practice (Spencer & Petersen, 2020)

Qu’est-ce que le langage narratif ?
Langage exprimé dans le contexte d’une histoire.

Qu’est-ce qu’une intervention narrative ?
Intervention langagière qui implique que les enfants racontent ou rappellent des histoires ayant des caractéristiques langagières spécifiques et ciblées par l’intervenant.

Pourquoi en parler ?

  • L’intervention narrative offre un contexte fonctionnel et écologique intégrant le traitement langagier, la pragmatique et l’apprentissage socio-émotionnel.
  • Les données de la littérature montrent que les compétences précoces en langage narratif sont prédictives des résultats scolaires ultérieurs. Une corrélation a été démontrée avec la compréhension orale, le vocabulaire réceptif et l’écriture. La relation entre les compétences narratives orales précoces et la compréhension à la lecture ultérieure (début de l’adolescence) est particulièrement forte.
  • Il existe des preuves de relations causales entre les interventions narratives et les résultats en matière de compréhension à la lecture et l’écriture (Gillam et al., 2022).
  • L’étude de Brinton et Fujiki (2019) montre qu’une intervention narrative favorise le traitement langagier, la pragmatique et l’apprentissage social et émotionnel chez les TDL. De plus, les évaluations par les enseignants ont montré une amélioration du comportement prosocial et l’orthophoniste de l’école signale une amélioration du langage narratif expressif et de la syntaxe.
  • Des recherches récentes montrent qu’une intervention narrative orale a un impact direct sur la qualité des récits écrits produits par les enfants (avec ou sans difficultés). Ce transfert de compétences serait possible car la structure narrative et les habiletés langagières enseignées et pratiques évolueraient vers un schéma cognitif qui se généraliserait à d’autres modalités. L’un des avantages de passer par la modalité orale pour améliorer le langage narratif écrit est d’éliminer l’interférence d’autres compétences potentiellement retardées ou émergentes liées à la transcription (e.g. graphisme, orthographe).

Objectifs de l’article

  • Fournir des preuves empiriques,
  • Partager des idées cliniques
  • Surligner la polyvalence, la puissance et la pertinence de l’intervention narrative.

Hiérarchisation des conditions narratives

Pour faciliter le développement des structures narratives transférables et pertinentes sur le plan scolaire et social, il est nécessaire de faire preuve de stratégie et planification. À long terme, l’objectif est que l’enfant utilise le langage narratif (forme et contenu) de manière  flexible et pragmatique. Les diverses conditions dans lesquelles se déroule la narration forment un continuum allant de plus simple à plus compliqué :

Figure de l’article (traduction maison)

N.B. : cette proposition de hiérarchisation peut ne pas s’appliquer à un patient au regard de son profil (ex. : le rappel d’une histoire peut être difficile pour un enfant présentant un trouble de la compréhension).

Images

Par images, les auteurs font référence à l’utilisation d’illustrations qui accompagnent l’histoire (dans des livres, des histoires en séquence, des dessins qu’on ferait avec l’enfant, etc.) ou à l’utilisation de pictogrammes qui présentent les éléments de la macrostructure. Ces images (illustrations de l’histoire ou pictogrammes) peuvent être utilisées pour modifier les exigences de la narration, selon l’objectif de l’intervention narrative et les capacités de l’enfant.

Proposition de progression

Les auteurs proposent de suivre la progression suivante :

  1. Rappel d’histoires pour acquérir une structure narrative adaptée en modalité orale
  2. Production d’histoires personnelles en modalité orale
  3. Production d’histoires fictives en modalité orale
  4. Travail en modalité écrite

Mais…

  • Les tâches scolaires auxquelles les compétences narratives devraient se généraliser ne font pas toutes appel à des éléments visuels
  • Les images illustratives et les symboles ne sont généralement pas disponibles dans les contextes sociaux
  • Des recherches suggèrent que les enfants TDL racontent des épisodes plus complets et incluent davantage d’unités d’information lorsqu’ils écoutent des histoires sans images, par opposition à des histoires présentées oralement et avec des images.

Il est donc important 1) d’utiliser les éléments visuels de manière stratégique, 2) de prévenir la dépendance à leur égard et 3) de promouvoir la généralisation des compétences en matière de narration à des contextes plus naturels et plus sophistiqués.

Avant tout : Un choix éclairé et argumenté

Le choix des objectifs du programme d’intervention doit se baser sur une évaluation valide, fiable et pertinente. Les résultats vont ensuite guider la sélection des paramètres d’intervention spécifiques. L’orthophoniste est responsable de l’utilisation d’évaluations ciblées, de la conversion des données d’évaluation en objectifs et de la prise de décisions judicieuses quant à l’opportunité de travailler sur la structure narrative ou sur le langage complexe, sur le rappel ou la production, sur les histoires personnelles ou fictives, ainsi que sur le type et le moment d’utilisation des étayages.

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10 principes d’intervention pour les interventions narratives

1. Construire la structure de l’histoire avant le vocabulaire et le langage complexe

Pour travailler efficacement sur la syntaxe, le vocabulaire académique (ou n’importe quoi d’autre) pendant la narration, il est utile que les enfants soient capables de raconter et de redire des histoires simples. Une fois qu’un enfant peut produire la structure narrative de base, la narration devient le contexte pour enseigner une grande variété d’autres compétences.

Si l’enfant n’est pas capable de raconter ou rappeler une histoire avec une structure narrative correcte à un niveau minimal, les auteurs recommandent de débuter par cet objectif.

2. Utiliser des exemples multiples pour promouvoir la métalinguistique et la généralisation

Pour l’intervention narrative, cela consiste à utiliser plusieurs histoires différentes avec les mêmes éléments de structure narrative pour l’enseigner. Si l’objectif de l’intervention était de permettre à l’enfant de raconter ou de redire une histoire spécifique, alors pratiquer la même histoire encore et encore fonctionnerait bien. Cependant, cela pourrait limiter la généralisation en favorisant la mémorisation d’une histoire. Pour promouvoir la généralisation, plusieurs exemples devraient être utilisés comme modèles dans des sessions d’intervention consécutives. La multiplication des exemples favorise l’abstraction du modèle par les enfants. La connaissance de ce schéma et la capacité à décrire le modèle des histoires (c’est-à-dire nommer le personnage, le problème, le sentiment, l’action et la fin) sont des compétences métalinguistiques.

3. Promouvoir une participation active

Depuis des décennies, il est clairement établi qu’une participation active de l’enfant permet d’avoir davantage d’opportunités d’apprentissage. Pour un maintien à long terme des compétences ciblées, les enfants ont besoin d’occasions répétées de pratiquer. Une pratique ciblée, soutenue par de la modélisation et des rétroactions correctives, améliore la capacité des enfants à utiliser les compétences spontanément.

Dans le cadre des interventions narratives, les enfants doivent donc avoir de nombreuses occasions de raconter ou de redire des histoires et, non uniquement, de les écouter.

4. Contextualiser, décomposer et reconstruire les histoires

La narration est utilisée pour offrir un contexte de communication intentionnelle et ayant du sens. Ces objectifs ne doivent pas être perdus de vue au cours de l’intervention.

Il pourrait être tentant d’éliminer le contenu des histoires que les enfants ne sont pas encore capables de raconter de manière autonome. Toutefois, il existe plusieurs raisons de conserver tous les principaux éléments d’une histoire :

  • La compréhension d’un récit narratif est facilitée par la relation entre les différents éléments de la structure narrative ;
  • L’omission de composants de l’histoire ne permet pas à l’enfant de détecter des relations causales et temporelles ;
  • Bien que les jeunes enfants puissent parler de personnages et de décors, la narration ne devient pas une histoire tant que l’enfant n’associe pas un événement déclencheur à une tentative et à une conséquence (cause et effet).
  • Si l’objectif de l’intervention narrative est d’enseigner la structure narrative, il est nécessaire que chaque histoire adhère au schéma de la structure narrative, sinon les compétences métalinguistiques ne seront pas acquises.

Les auteurs recommandent :

  1. L’utilisation d’histoires comprenant un minimum un épisode complet (= problème + tentative + conséquence)
  2. Présentation de l’histoire dans sa forme complète et complexe pour fournir les informations contextuelles
  3. Décomposition en morceaux de l’histoire pour fournir des occasions de pratique répétée tout en veillant à maintenir la contextualisation et le sens. On peut poser des questions relatives à structure narrative ou encore demander aux enfants de s’entraîner à raconter une partie à la fois en fournissant plusieurs modèles et une rétroaction pendant la pratique guidée.
  4. Encourager les enfants à intégrer les sous-parties dans une section plus large du récit narratif. Par exemple, après avoir incité un enfant à inclure le sentiment du personnage, on peut lui demander de revenir à l’élément de l’histoire et de redire à la fois le problème et le sentiment, de façon qu’il y ait une cohésion et un but dans la tâche.

5. Utiliser un support visuel pour rendre concrets des concepts abstraits

L’apprentissage des schémas de la structure narrative peut être un processus lent sans l’aide d’un support visuel tels que des symboles ou encore des organisateurs graphiques.

Exemple des symboles utilisés dans le programme Story Champs :

Exemple des symboles utilisés dans le programme ONIP de Glisson et al. (2019) :

Les supports visuels peuvent être un outil efficace, en particulier lors de l’introduction d’une nouvelle histoire. Ils peuvent également être utilisés pour rendre des concepts abstraits tels que la structure des histoires et les caractéristiques linguistiques plus tangibles et plus concrètes pour les enfants.

Toutefois, il faut faire preuve de prudence et planifier la diminution progressive des aides visuelles.

6. Fournir une rétroaction corrective immédiate

Une rétroaction corrective efficace présente trois caractéristiques principales :

  1. Focus sur ce que l’enfant devrait faire et minimiser l’attention accordée à la réponse incorrecte. Pourquoi ?
    – Les enfants ont besoin d’informations sur leurs performances et sur les améliorations possibles
    – Cela incite les enfants à produire la production de la réponse correcte
    – C’est une occasion supplémentaire de fournir un modèle
  2. Correctif immédiat et contingent aux réponses données par l’enfant : les auteurs suggèrent de ne pas attendre que l’enfant ait terminé de raconter l’histoire avant d’offrir de la rétroaction. Si l’enfant omet le problème, on le souligne dès que le problème aurait dû être mentionné et le récit continue par la suite.
  3. Spécifique : une rétroaction précise est fournie concernant l’erreur afin que l’enfant puisse reformuler ou bénéficier d’un modèle exact (offrant l’occasion de répéter)

7. Utiliser des indices efficaces et efficients

Les auteurs proposent un modèle d’indiçage à deux niveaux :

  1. Utiliser des questions telles que « Comment Jean se sentait-il par rapport à son problème ? » ou « Qu’a-t-il fait pour résoudre le problème ? » car elles dirigent l’attention de l’enfant vers la partie spécifique de l’histoire qui doit être racontée.
  2. En cas d’échec, attendre quelques secondes, proposer un modèle tel que « Jean était triste parce qu’il s’est coupé le genou. Maintenant, tu le dis ».

8. Différencier, individualiser et enrichir

Il est important de définir les exigences de la tâche d’intervention (e.g. raconter, répondre à des questions, manipuler des images) en fonction des objectifs de chaque enfant et d’utiliser le modèle d’indiçage à deux niveaux de manière flexible. L’intervention narrative peut viser des objectifs différents selon les besoins de l’enfant : structure narrative, vocabulaire complexe, morphosyntaxe, compétences sociales, etc.

9. Prévoir des opportunités de généralisation

Pour maximiser l’effet de l’intervention, il est recommandé de planifier les possibilités de généralisation. Par exemple, il est possible de créer des activités permettant de mettre en pratique les cibles narratives dans d’autres contextes et consulter les enseignants sur la manière de faciliter leur utilisation. Des activités peuvent être envoyées à la maison pour que les enfants puissent raconter les histoires aux membres de leur famille.

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L’important est que la généralisation ne soit pas laissée au hasard. Le fait de la planifier accélérera l’acquisition et le maintien des compétences acquises et favorisera leur utilisation dans des contextes fonctionnels.

10. S’amuser

Les interventions narratives sont une occasion de pratiquer le langage sans avoir l’impression de travailler car les enfants ont naturellement envie de parler d’eux-mêmes et de leurs expériences. Les auteurs fournissent quelques suggestions pour rendre les interventions narratives stimulantes :

  1. Lorsque l’enfant raconte, exagérer les expressions faciales, les commentaires et réaliser des expansions
  2. Intégrer des jeux et de la compétition (sans que cela ne détourne l’attention)
  3. Utiliser des accessoires, des marionnettes ou des mouvements liés aux histoires.

Cet article de Spencer & Petersen (2020) offre un avis d’expert complet concernant les principes d’intervention à respecter lors de la mise en place d’une intervention narrative.  Nous invitons le lecteur intéressé à lire l’article disponible en libre accès.

Dans mon bureau : 

√ Je réfléchis à la possibilité de mettre en place une intervention narrative pour mes patients si cela ne fait pas partie de ma pratique

√ Je réfléchis à la progression des activités que je propose en tenant compte du niveau de difficultés selon la modalité, le type de récit, la présence d’un support, etc.

√ Je définis clairement mes objectifs pour adapter la rétroaction , les indices, les demandes directes formulées à mon patient et mes supports

√ J’anticipe les activités à mettre en place pour favoriser la généralisation et je discuter des possibilités de relais avec la famille et/ou l’équipe pédagogique

Référence complète

Spencer, T. D., & Petersen, D. B. (2020). Narrative Intervention: Principles to Practice. Language, Speech, and Hearing Services in Schools, 51(4), 1081–1096. https://doi.org/10.1044/2020_LSHSS-20-00015

Matériel en libre accès pour travailler les compétences narratives (merci à Lucie Macchi et Guillaume Duboisdindien la diffusion de ces ressources)

  • 31 vidéos muettes pour travailler le récit (il y a des activités associées mais en anglais) : https://www.speechtherapystore.com/wordless-videos-to-teach-problem-solving/
  • Simon’s Cat : https://www.youtube.com/user/simonscat Le chat de Simon est une série animée qui met en scène les pitreries malicieuses et souvent hilarantes d’un gros chat blanc et de son maître Simon, des histoires auxquelles tout propriétaire d’animal de compagnie peut s’identifier ! Ces vidéos représentent un excellent support pour des activités de récit. Vous pouvez leur attribuer un niveau de complexité selon le nombre de protagonistes, d’actions, de références implicites, etc.
  • Pepper & Carrot, cette bande dessinée jeunesse libre de droits, en accès gratuit, sur internet, peut également représenter un support pour des activités de récit. Il s’agit des aventures d’une apprentie sorcière. Les épisodes 2, 5, 10, 15, 20, 25, 30 sont sans paroles et sans bulles. https://www.peppercarrot.com/fr/
  • Une ressource d’images pouvant servir de sources d’inspiration pour la production de récit narratif : https://www.onceuponapicture.co.uk/

Références complémentaires

Brinton, B., & Fujiki, M. (2017). The power of stories: Facilitating social communication in children with limited language abilities. School Psychology International, 38(5), 523–540. https://doi.org/10.1177/0143034317713348

Gillam, S. L., Vaughn, S., Roberts, G., Capin, P., Fall, A.-M., Israelsen-Augenstein, M., Holbrook, S., Wada, R., Hancock, A., Fox, C., Dille, J., Magimairaj, B. M., & Gillam, R. B. (2022). Improving oral and written narration and reading comprehension of children at-risk for language and literacy difficulties: Results of a randomized clinical trial. Journal of Educational Psychology. https://doi.org/10.1037/edu0000766

Glisson, L., Leitão, S., & Claessen, M. (2019). Evaluating the efficacy of a small-group oral narrative intervention programme for pre-primary children with narrative difficulties in a mainstream school setting. Australian Journal of Learning Difficulties, 24(1), 1–20. https://doi.org/10.1080/19404158.2019.1596138

Adolescent, Intervention

Des interventions de groupe testées auprès de 358 adolescents avec un TDL

*Cet article a été rédigé par Hawraa Kabalan qui a complété sa maîtrise en orthophonie à l’Université de Montréal en 2017. Elle a travaillé dans les écoles avec les clientèles préscolaire et primaire. Un grand merci à Hawraa pour cette collaboration !

Titre de l’article

Improving storytelling and vocabulary in secondary school students with language disorder: a randomized controlled trial (Joffe, Rixon & Hulme, 2019)

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Pourquoi en parler ?

Présentement, il existe peu d’études qui évaluent l’efficacité des interventions visant à améliorer les habiletés langagières chez les adolescents. Les orthophonistes qui oeuvrent auprès de cette clientèle ont donc de la difficulté à choisir des activités jugées efficaces selon les données probantes. Cet article présente des résultats encourageants en lien avec l’intervention au niveau des habiletés narratives et du vocabulaire chez les jeunes adolescents.

Un brin de méthodologie

Participants

Les élèves de première année secondaire choisis avaient tous un trouble du langage (n=358, 226 garçons et 132 filles) et avaient en moyenne 12 ans et 8 mois. Les critères pour identifier le trouble du langage étaient les suivants : avoir deux scores sous -1 écart-type à deux tests ou sous-tests OU avoir un score sous -1,5 écart-type à un test/sous-test. Ils étaient scolarisés dans des écoles régulières. Quatre groupes ont été formés de manière randomisée dans chaque école :

  1. Groupe A : a reçu une intervention au niveau du vocabulaire
  2. Groupe B : a reçu une intervention au niveau des habiletés narratives
  3. Groupe C : a reçu une intervention combinant le vocabulaire et les habiletés narratives
  4. Groupe D : groupe contrôle dont les participants reçoivent l’intervention après que le groupe expérimental l’ait reçue)

Intervention

Dans chaque école, une assistante-enseignante a été choisie pour réaliser les trois types d’intervention, trois fois par semaine pendant six semaines. Les séances d’intervention étaient réalisées en sous-groupes de deux à six élèves et duraient entre 45 et 60 minutes.

Les assistantes-enseignantes ont été entrainées pendant quatre jours afin de leur présenter certaines notions importantes (p. ex. : le langage, le trouble du langage, le vocabulaire, les habiletés narratives et les stratégies à utiliser pour soutenir les élèves ayant un trouble du langage). Une rencontre d’une demi-journée a eu lieu autour de la semaine 3 afin de répondre aux questions des assistantes-enseignantes et de renforcer leurs stratégies d’intervention.

Les interventions incluaient des thèmes liés au curriculum scolaire. Ainsi, l’intervention au niveau des habiletés narratives mettait l’emphase sur la compréhension et la narration d’histoires de plusieurs genres en suivant un modèle afin supporter la généralisation. L’intervention sur le vocabulaire ciblait le développement de concepts et de vocabulaire liés au curriculum et adaptés à l’âge des participants (ex. de mots ciblés : nutrition, carrière). Des tâches telles que l’association de mots, la catégorisation ou les cartes mentales ont été utilisées pour renforcer l’apprentissage des nouveaux mots.

Mesures

Des évaluations pré et post-intervention ont été réalisées pour l’ensemble des élèves respectivement 4 mois avant et 3 mois après l’intervention, par des membres de l’équipe de recherche qui ne connaissaient pas à quel groupe chaque élève appartenait.

Deux types de mesures ont été utilisées :

  • des mesures standardiséescomme le British Picture Vocabulary Scale, 2nd edn (BPVS-2) ou le Test of Word Knowledge (TOWK)
  • des mesures spécifiques aux interventions comme une tâche de narration ou une tâche de définition du vocabulaire

Résultats et discussion

Rappel des quatre groupes : groupe A (intervention au niveau du vocabulaire), groupe B (intervention au niveau des habiletés narratives), groupe C (intervention combinant le vocabulaire et les habiletés narratives) et groupe D (groupe contrôle liste d’attente).

Effets des interventions sur les mesures standardisées des habiletés narratives et du vocabulaire :

– Comparés au groupe contrôle, les trois groupes d’intervention ont démontré une amélioration significativement plus importante dans leur score à la mesure post-test d’un facteur narratif regroupant deux mesures standardisées : narration initiale d’une histoire à la tâche ERRNI (Expression, Reception and Recall of Narrative Instrument) et le rappel d’histoire à cette même tâche.

–> Résultat encourageant compte tenu de la courte durée de l’intervention.

– Aucun effet des interventions sur le facteur vocabulaire défini par les cinq mesures standardisées suivantes : le BPVS-2 ainsi que quatre sous-tests du TOWK (vocabulaire réceptif et expressif, compréhension de mots dans différents contextes et utilisation du langage figuré), et ce, pour les trois groupes d’intervention.

–> Étant donné la courte durée de l’intervention et le fait que la connaissance du vocabulaire est souvent spécifique aux items ciblés lors d’une intervention, il est difficile d’observer une amélioration sur le résultat d’un test standardisé suite à une intervention.

Effets des interventions sur les mesures spécifiques aux interventions réalisées

– Pour ce qui est de la « grille narrative » (« narrative checklist »), le groupe B a démontré une amélioration significative comparé au groupe D. Aucune amélioration significative n’a été relevée pour les groupes A et C.

– Pour ce qui est de la tâche de génération d’une histoire, les groupes B et C ont démontré une amélioration significative comparés au groupe D, ce qui n’a pas été le cas pour le groupe A.

– Pour ce qui est des quatre mesures du vocabulaire (vocabulaire réceptif et expressif, conscience des idiomes et définition du vocabulaire), une amélioration significative a été notée pour les groupes A et C comparés au groupe D. Pour sa part, le groupe B n’a démontré aucune amélioration significative pour ces quatre mesures comparé au groupe D.

–> Ainsi, le groupe C a démontré une amélioration sur le plan des habiletés narratives et du vocabulaire, malgré que le temps accordé à chacune de ces habiletés soit réduit par rapport aux groupes A et B. Les auteurs soulignent que ces gains résultent peut-être de l’effet cumulatif lorsque l’intervention cible à la fois le vocabulaire et les habiletés narratives

–> Une amélioration au niveau du vocabulaire a été notée aux mesures spécifiques aux interventions alors que cela n’a pas été le cas pour les mesures standardisées, ce qui suggère que les tests standardisés ne semblent pas toujours être assez sensibles pour détecter les changements lors d’une période d’intervention déterminée.

Dans mon bureau

√ Je retiens qu’une intervention réalisée par des intervenants entrainés pourrait être efficace pour améliorer le vocabulaire et les habiletés narratives d’élèves du secondaire, ce qui est une idée à envisager pour augmenter la portée des interventions des orthophonistes en milieu scolaire.

√ Je retiens qu’il est important d’utiliser les deux types de mesures (standardisées et non-standardisées) pour suivre de près les changements suite à une intervention.

√ Je réfléchis, avec les différent(e)s intervenant(e)s de mon école, à une façon de rendre ce type d’intervention réaliste dans notre système scolaire actuel (en terme de fréquence d’intervention par semaine, de la présence d’assistant(e)-enseignant(e) à l’école, de la possibilité de prendre en charge le groupe d’intervention…).

√ Je n’utilise pas les tests standardisés pour mesurer l’efficacité de mon intervention car ils ne semblent pas être assez sensibles pour détecter les améliorations.

√ Je continue de m’informer sur les interventions jugées efficaces selon la recherche pour les élèves du secondaire.

Référence complète

Joffe, V. L., Rixon, L., & Hulme, C. (2019). Improving storytelling and vocabulary in secondary school students with language disorder: a randomized controlled trial. International journal of language & communication disorders54(4), 656-672. doi.org/10.1111/1460-6984.12471

Évaluation, bilinguisme

Évaluation des enfants bilingues : Que faire lorsqu’on ne peut évaluer aucune des deux langues?

Ce résumé a été rédigé par Nelly Joye, étudiante au doctorat au University College London. Ses recherches portent sur l’orthographe lexicale des enfants bilingues (français/anglais) ayant des difficultés de langage. Un énorme merci à Nelly pour cette collaboration ! 

Titre de l’article : Assessment of bilingual children: What if testing both languages is not possible? (Boerma, T., Blom, E., 2017)

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Pourquoi en parler ? : 

Parce que beaucoup de nos petits patients parlent à la maison une ou des langues que nous ne sommes pas en mesure d’évaluer. Dans un contexte de réflexion sur les critères diagnostiques des troubles du langage chez les enfants (voir les résumés des articles CATALISE sur le blogue ici et ici), Nelly s’intéresse à ces enfants qui parlent plus d’une langue et aux solutions que proposent deux orthophonistes Néerlandaises pour les évaluer.

Un brin de méthodologie : 

Les auteurs mettent à l’épreuve une batterie de tests spécialement conçus pour évaluer des enfants en contexte bilingue, suite à une action de recherche européenne (COST action IS0804 : Language Impairment in a Multilingual Society : Linguistic patterns and the road to assessment). Deux des tests ont déjà été évaluées dans des études précédentes, et l’article se concentre en particulier sur un questionnaire parental et sur son apport quant à la validité de la conclusion de trouble développemental du langage chez des enfants bilingues.

Trois tâches ont été utilisées lors de l’évaluation langagière:

TÂCHE 1

Un questionnaire parental – PaBiQ (Questionnaire for Parents of Bilingual Children). Développé par Tuller (2015) dans le cadre de l’action COST, les parents sont interrogés sur deux dimensions : le développement précoce (3 questions) et l’inquiétude parentale sur le développement précoce du langage (4 questions).

Développement précoce :

  • Âge d’apparition des premiers mots (< 15 mois = 6 points, 16-24 mois = 4 points, > 24 mois = 0 points)
  • Âge d’apparition de la première phrase (< 24 mois = 6 points, 25-30mois = 4 points, > 31 mois = 0 points)
  • Inquiétude parentale sur le développement précoce du langage (oui = 2, non = 0)

Inquiétude parentale :

  • L’histoire familiale : on demande si le père, la mère ou un des frères/sœurs a (ou a eu) des difficultés dans les domaines suivants : 1) lecture et/ou 2) orthographe et/ou 3) comprendre les autres et/ou 4) s’exprimer.
  • L’enfant a un maximum de 9 points s’il n’y a aucune difficulté dans la famille. On enlève un point par difficulté dans la famille.

L’entretien a lieu au téléphone, avec un traducteur si nécessaire.

TÂCHE 2

Une tâche de répétition de non-mots quasi-universelle – Q-U NWRT (Quasi-Universal Non-Word Repetition). Initialement développée par Chiat (2015), cette tâche a été adaptée au Néerlandais par les auteures. La difficulté en répétition de non-mots est considérée comme un bon indicateur des troubles du langage. La tâche comprend 16 non-mots composés de 2 à 5 syllabes CV. Les syllabes ont été choisies pour leur fréquence d’usage dans de nombreuses langues, d’où leur caractère « quasi-universel ». Les auteures ont par ailleurs vérifié qu’aucun des items n’est un vrai mot dans les langues maternelles des enfants et en Néerlandais, et ont veillé à appliquer une prosodie neutre (toutes les syllabes également accentuées) lors de l’enregistrement des items.

TÂCHE 3

Une tâche de narration – MAIN (Multilingual Assessment Instrument for Narratives). Egalement conçue lors de l’action COST, cette tâche vise à évaluer deux compétences : 1) d’abord la compréhension d’une histoire séquentielles courte, suivant sa présentation à l’oral et sous forme de six vignettes et 2) la production d’une autre histoire courte, sur présentation de six autres vignettes séquentielles. La compréhension est évaluée à l’aide de 10 questions portant sur le déroulement de l’histoire et les intentions et sentiments des personnages. Les histoires suivent un schéma narratif avec identification de l’endroit et moment de l’action, intention des personnages (Le renard veut attraper le bébé chèvre), action (le renard saute sur la chèvre), résultat (Le renard a attrapé le bébé chèvre), et donnent à l’enfant l’occasion d’identifier le sentiment des personnages (peur ou contentement). C’est à partir de ces éléments que sont évalués les capacités de production des enfants.

4 groupes d’enfants de 5-6 ans sont soumis à cette batterie :

  • 33 Monolingues avec un développement typique (MO-DT)
  • 33 Monolingues avec un trouble du langage (MO-TL)
  • 33 Bilingues avec un développement typique (BI-DT)
  • 33 Bilingues avec un trouble du langage (BI-TL)

Les enfants TL ont été identifiés selon le protocole d’identification aux Pays-Bas, qui comprend une évaluation langagière et psychométrique à partir de tests étalonnés. Ils étaient à -2ET de la norme sur une batterie de langage ou à -1,5ET sur 2 sous-échelles (lexique, syntaxe, production ou traitement auditif). Les BI-TL et BI-DT étaient appariés selon le niveau d’exposition au Néerlandais, tel que rapporté par les parents dans le questionnaire PaBiQ.

Résultats et discussion : 

2 résultats sont présentés : les différences entre les parents des 4 groupes d’enfants pour les deux dimensions du questionnaire parental et la validité diagnostique du questionnaire seul et du questionnaire combiné avec les 2 autres mesures.

– Dimensions du questionnaire:

Les parents de tous les enfants TL reportaient un âge des premiers mots et premières phrases plus tardif que les parents d’enfants DT, et une plus grand inquiétude parentale. En revanche, chez le groupe d’enfants bilingues, les parents d’enfants TL ne reportaient pas une histoire familiale plus préoccupante que ceux des enfants DT.

Validité des mesures

– Le questionnaire a une sensibilité de 70% et une spécificité de 90%.

– Le questionnaire + la répétition de non-mot ont une sensibilité de 90% et une spécificité de 87%.

– Le questionnaire + la répétition de non-mots + la tâche narrative ont une sensibilité de 97% et une spécificité 97%.

Dans mon bureau : 

Cet article rappelle l’importance de l’anamnèse dans les bilans d’enfants bilingues, et propose l’usage de tâches moins sensibles à l’exposition langagière pour l’évaluation des enfants bilingues (comme la répétition de non-mots ou la narration orale).

√ Pour mes bilans d’enfant bilingues, lorsque je ne peux pas évaluer l’enfant dans sa langue maternelle: Je fais une anamnèse détaillée ++ sur la langue maternelle de l’enfant pour compléter mes résultats aux tests standardisés de langage (pas fiables si basés sur des étalonnages monolingues).

√ Pendant l’anamnèse : je porte un attention toute particulière aux « drapeaux rouges » du développement langagiers de l’enfant que sont l’apparition tardive des premiers mots et l’apparition tardive des premières phrases, plutôt que sur l’histoire familiale. Lorsque je questionne les parents sur les difficultés langagières dans l’histoire familiale, je me demande si les parents viennent d’une culture où ces difficultés sont identifiées.

√  Une liste plus exhaustive de ces « drapeaux rouges » (ou marqueurs de troubles) auxquels nous devons faire attention est disponible dans cet autre article (table 3, en anglais).

√ Comme ce type d’évaluation repose sur les réponses données par les parents au questionnaire, je m’assure de leur bonne compréhension (avec l’aide d’un tiers qui sert de traducteur, si nécessaire).

√ Au-delà de l’anamnèse, je privilégie les tâches sensées évaluer la compétence langagière en général plutôt que les connaissances de l’enfant dans la langue, comme la répétition de non-mots ou l’épreuve narrative présentées ici. Malheureusement les normes ne sont pas disponibles dans toutes les combinaisons de langues pour les trois tâches présentées ici, mais elles le sont dans un certain nombre donc je vais vérifier 😉 En attendant des normes dans mes langues-cibles, je me base sur des épreuves similaires et déjà étalonnées en français (comme la répétition de non-mots de Courcy, 2002, mentionnée dans cet article).

√ Je m’intéresse aussi à d’autres approches comme l’évaluation dynamique, qui évalue la capacité à apprendre les structures linguistiques plutôt que leur connaissance au moment de l’évaluation (voir l’excellente vidéo de Nikki Botting sur le sujet (en anglais) : https://www.ucl.ac.uk/ioe/news-events/news-pub/phd-news/llnrp-challenges-of-assessing-young-people-with-language-difficulties )

Référence: 

Boerma, & Blom. (2017). Assessment of bilingual children: What if testing both languages is not possible? Journal of Communication Disorders, 66, 65-76.

Autres références de l’article : 

  • Q-U NWRT (Quasi-Universal Non-Word Repetition – Répétition de mots quasi-universelle) :

Boerma, T., Chiat, S., Leseman, P., Timmermeister, M., Wijnen, F., & Blom, E. (2015). A quasi-universal nonword repetition task as a diagnostic tool for bilingual children learning Dutch as a second language. Journal of Speech, Language, and Hearing Research, 58(6), 1747–1760. (pre-print du papier présentant la tâche et sa validation ici : https://www.uu.nl/sites/default/files/boerma-et-al-2015-qu-nwrt-preprint.pdf)

  • MAIN (Multilingual Assessment Instrument for Narratives – Instrument pour l’évaluation de la narration en contexte multilingue):

Gagarina, N., Klop, D., Kunnari, S., Tantele, K., Välimaa, T., Balčiūnienė, I., et al. (2012). MAIN – multilingual assessment instrument for narratives. ZAS Papers in Linguistics, 56, 1–155

  • PaBiQ (Questionnaire for Parents of Bilingual Children – Questionnaire parental):

Tuller, L. (2015). Clinical use of parental questionnaires in multilingual contexts. In S. Armon-Lotem, J. de Jong, & N. Meir (Eds.), Methods for assessing multilingual children: Disentangling bilingualism from Language Impairment, pp. 301–330. Bristol: Multilingual Matters. Vérifier la page ResearchGate de l’auteure du chapitre pour pouvoir y accéder.

  • Il existe aussi un article sur les enfants bilingues en France et en Allemagne :

Tuller LHamann CChilla SFerré SMorin EPrevost P, et al. (2018). Identifying language impairment in bilingual children in France and in Germany, Int J Lang Commun Disord., 53(4), 888-904. doi: 10.1111/1460-6984.12397 Vérifier la page ResearchGate de l’auteure de l’article pour pouvoir y accéder.

 

Fait au Québec, Intervention, Préscolaire

Méta-analyse : Quoi faire pour développer les habiletés narratives ?

Titre de l’article : Scaffolding Narrative Skills: A Meta-Analysis of Instruction in Early Childhood Settings (Pesco et Gagné, 2017)

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Pourquoi en parler ? : Parce que la narration est un aspect du discours qui est souvent compromis chez les enfants avec un trouble développemental du langage et que les habiletés narratives sont essentielles tant pour la réussite académique que pour le développement des relations interpersonnelles. Quoi de mieux qu’une méta-analyse combinant les résultats de toutes les études ayant porté sur les interventions en discours narratif pour s’outiller comme clinicien ?

Un brin de méthodologie : L’étude avait comme objectif de mener une revue systématique de la littérature pour compiler les stratégies utilisées dans les interventions portant sur le discours narratif, de déterminer les effets de telles interventions sur les habiletés narratives réceptives et expressives et d’évaluer le rôle de certaines variables spécifiques dans l’efficacité (p.ex., durée de l’intervention, etc.). La narration des enfants était évaluée selon les critères suivants :

  • Produire et comprendre une séquence d’évènements dans le bon ordre
  • Connaître et maîtriser la structure narrative (ex.: problème-tentative-résolution-fin, objectif et états internes du personnage)
  • Réaliser des inférences : Saisir des informations qui ne sont pas transmises explicitement
  • Utiliser des marques évaluatives (en anglais : evaluative devices). Le locuteur utilise ces marques (p.ex., répétition, prosodie, etc.) pour indiquer quelles parties de l’histoire et quelles émotions sont très importantes dans l’histoire. C’est également grâce à ces indices que l’interlocuteur va saisir l’intention du narrateur (p.ex., faire rire le lecteur).

Les articles inclut dans cette méta-analyse devaient avoir été publiés entre 1980 et 2013 et concerner les enfants de 2 à 6 ans. Les participants pouvaient avoir un développement typique ou non. Les études retenues devaient avoir comme objectif d’améliorer la narration selon un ou plusieurs des critères listés ci-haut et utiliser un devis de recherche expérimental (étude contrôlée avec attribution au hasard des enfants ou des groupes d’enfant). Les études retenues devaient aussi comparer deux groupes recevant une intervention ciblant la narration.

Résultats et discussion : Suite à la recherche d’articles et au tri de ceux-ci, 15 articles (totalisant 806 participants entre 41 et 74 mois d’âge) correspondaient aux critères d’inclusion et ont été analysés. Les études avaient des échantillons entre 10 et 123 participants.

Stratégies d’intervention utilisées dans les études

– Étayage verbal (parler ou penser tout haut): dialogue ayant lieu avant, pendant ou après la lecture d’un livre. Le dialogue a pour but de faciliter la compréhension ou la production de narration ou d’un élément de l’histoire (p.ex., état interne des personnes/personnages). L’étayage verbal est appelé de différentes manières dans les études : discussion, lecture interactive, etc. Voici des exemples d’étayage verbal pour favoriser la narration:

  • Attirer l’attention de l’enfant sur les parties importantes de l’histoire (je pense que ce sera l’histoire d’un loup dans une forêt, parce que le titre de l’histoire c’est « Loup Loup, y es-tu ? » et sur l’image je vois une forêt avec plein d’arbres
  • Demander aux enfants s’ils ont vécu quelque chose de semblable au personnage dans leur vie : Toi, est-ce que tu as déjà été à l’hôpital ?
  • Identifier soi-même ou demander aux enfants les objectifs du personnage ou ses émotions (Regarde ici, le garçon je pense qu’il est vraiment en colère parce qu’il crie « VA-T’EN » et il a les bras croisés, et son visage est tout rouge / Il va peut-être aller regarder dans la caverne pour retrouver son ami ? / Oh oh le garçon est parti avec son vélo dans la montagne, mais son père lui avait dit de ne pas y aller, c’est peut-être dangereux…je pense que son père ne sera pas très content).
  • En lien avec l’énoncé précédent, l’utilisation de livres d’histoire est LE contexte suggéré par les experts pour travailler les inférences (voir ce billet)

– Enseignement explicite/direct (p.ex., le mot « lapereau » ça veut dire un bébé lapin)

– Modelage 

– Pratique répétée de narration (raconter les mêmes livres plusieurs fois ou effectuer plusieurs séances de lecture par semaine)

– Indices visuels ou tactiles (ex.: accessoires de l’histoire, comme un panier pour le Petit chaperon rouge, un bol pour Boucle d’Or, etc.)

– Jouer ou « rejouer » l’histoire

Efficacité des stratégies

L’intervention était souvent effectuée à l’aide de livres d’histoire. L’étayage verbal et l’enseignement explicite étaient les stratégie les plus fréquemment utilisées.

L’intervention ciblant les habiletés narratives réceptives et expressives est efficace auprès des enfants d’âge préscolaire (incluant les enfants de la maternelle). Les habiletés documentées dans les études sont : la séquence temporelle, la connaissance de la grammaire narrative, le rappel de récit et les inférences. L’amélioration notée suite à l’intervention est bonne (facteur de 0,5). L’étayage verbal lors de la lecture d’histoire était l’intervention la plus utilisée dans les études. L’étayage verbal était plus efficace s’il était utilisé simultanément avec une autre stratégie non-verbale (p.ex., utilisation d’accessoires pour rejouer l’histoire).

Moment des interventions

Aucune différence de résultats n’a été trouvée entre les interventions ayant lieu pendant ou après l’histoire. Toutefois, les auteurs mentionnent que peu d’études comparaient ces variables et que les résultats pourraient varier selon l’habileté narrative qui est ciblée lors de l’intervention.

Dans mon bureau : 

√ Lors de l’évaluation du langage d’un enfant d’âge préscolaire, je planifie et j’effectue une tâche pour évaluer la narration

√ Lors de mes échanges avec l’entourage de l’enfant, je les questionne sur les capacités narratives de l’enfant (p.ex., participe-t-il à la causerie à la garderie ?)

√ J’évalue d’abord la narration d’évènement personnel parce que cette compétence est maîtrisée avant la narration d’évènement fictif (un film, un livre, etc.) par les enfants. Je me réfère aux quatre critères utilisés dans l’étude :

  • Comprendre et produire une séquence d’évènements dans le bon ordre (conseil: utiliser les histoire en séquence en évaluation plutôt qu’en intervention)
  • Connaître et maîtriser de la structure narrative (ex.: problème-tentative-résolution-fin, objectif et états internes du personnage)
  • Réaliser des inférences : Capacité à saisir des informations qui ne sont pas transmises explicitement
  • Utiliser des marques évaluatives

√ Lors de la rédaction du plan d’intervention et lors de mes interventions, j’inclus un objectif en discours narratif car cette habileté est au coeur de la réussite éducative et sociale des enfants

√ En intervention directe, je choisis des stratégies qui sont appuyées par les données scientifiques. En tête de liste : l’étayage verbal lors de la lecture de livres d’histoire. Je peux aussi intégrer d’autres stratégies nommées dans l’article (p.ex., rejouer l’histoire avec des marionnettes ou avec des bonhommes) ou consulter la bibliographie pour plus de détails.

√ Quand je donne des conférences et des ateliers aux parents et aux éducateurs, je parle de l’importance de la narration et des stratégies à privilégier pour favoriser le développement de cette compétence chez les enfants d’âge préscolaire : étayage verbal (parler et discuter avant, pendant et après la lecture d’histoires), jouer l’histoire par la suite, expliciter le sens de nouveaux mots, faire de la lecture d’histoires fréquemment.

Référence: 

Pesco, D. & Gagné, A. (2017) Scaffolding Narrative Skills: A Meta-Analysis of Instruction in Early Childhood Settings, Early Education and Development, 28:7, 773-793, DOI: 10.1080/10409289.2015.1060800 Via ResearchGate