Adulte, Intervention, Préscolaire, Scolaire

Mythes et réalités sur l’apprentissage et le langage: Testez vos connaissances !

Titre de l’article: Improving Clinical Practices for Children With Language and Learning Disorders (Kamhi, A., 2014)

magemytheréaités

Pourquoi ça nous intéresse ? : Il existe plusieurs fausses idées entourant comment les enfant apprennent le langage et sur les meilleure pratiques auprès d’enfants présentant des troubles développementaux du langage. Testez-vos connaissances, les 10 énoncés suivants sont-ils vrai ou faux?  Trouvez les réponses dans le présent résumé (et démystifiez des mythes courants qui circulent encore !).  

1. Il est plus facile d’apprendre que de généraliser une forme langagière. 

2. Des enseignements constants et prévisibles sont plus efficaces que des enseignements qui varient les contextes et conditions d’apprentissage et de pratique. 

3. La stimulation ciblée (pratique condensée) est une stratégie d’enseignement plus efficace que  la stimulation variée (distribuée dans le temps) 

4. Le plus de rétroaction («feedback»), le mieux. 

5. La meilleure façon d’apprendre et de comprendre des informations par écrit (texte) est par relecture des mêmes passages à plusieurs reprises. 

6. Plus de thérapie/d’intervention, c’est toujours mieux (en termes de fréquence). 

7. Les interventions les plus efficaces en langage et en littéracie sont celles qui ciblent les difficultés de traitement (« processing », ex: mémoire, attention, traitement auditif) sous-jacentes plutôt que les difficultés dans les connaissances langagières.

8. Des énoncés télégraphiques (ex: pousse balle, papa parti) ne devraient pas être utilisés pour stimuler des enfants aux habiletés langagières limitées. 

9. Augmenter la longueur moyenne des énoncés (LMÉ) et cibler l’acquisition de nouveaux morphèmes (l’auteur parle des 14 morphèmes de Brown’s, en anglais) sont des objectifs d’intervention appropriés. 

10. Les habiletés de séquençage (« sequencing » : remettre des histoires en séquence dans le bon ordre) sont importantes pour soutenir les habiletés en discours narratif.

Vous voulez les réponses ??? Roulement de tambour…

Seul l’énoncé 8 est VRAI. Les autres sont tous faux. Les explications pour chaque énoncé, ci-bas…!

Un brin de méthodologie: Dans cet article, l’auteur fait la recension des écrits en lien avec chacun des 10 énoncés/mythes. Les sujets incluent les principes d’apprentissage, la généralisation, l’intensité et la fréquence optimale des traitements, les objectifs grammaticaux et la priorisation des objectifs pour des élèves qui présentent des difficultés de langage et d’apprentissage. 

Résultats:

L’auteur entame ses explications avec le principe général suivant:  Les contextes, les moyens et les activités de thérapie qui favorisent un des gains rapides dans la performance des enfants à court terme résultent souvent en échec dans la rétention et le transfert à long terme (généralisation, apprentissage réel). Inversement, les conditions d’enseignement qui semblent susciter des difficultés pour l’apprenant, et qui souvent ne montrent pas d’effets immédiats ou à court terme, sont celles qui optimisent plutôt la rétention et le transfert des habiletés à long terme. Ces difficultés portent même le nom de « difficultés désirables » (desirable difficulties).

Ce principe est d’autant plus intéressant et pertinent que plusieurs autres auteurs abordent la même idée (voir nos billets «Juger les progrès: 5 erreurs d’interprétation possibles» et «Un input efficace» ).

1. Il est plus facile d’apprendre que de généraliser : FAUX

Nous distinguons souvent en orthophonie le fait d’ « apprendre une forme langagière » avec le fait de « la généraliser ». Selon l’auteur, nous devrions utiliser les termes suivants, plus appropriés: 

Performance: Occurence à court-terme d’un comportement/habileté dans un contexte spécifique (p.ex., l’enfant qui peut répéter ou imiter la production d’une phrase Sujet-Verbe-Complément sans omissions dans un contexte spécifique et structuré) 

Apprentissage: Occurence à long-terme, indépendamment du contexte, d’un comportement/habileté (p.ex., l’enfant qui peut spontanément produire une phrase S-V-C sans omissions)

En éducation et en orthophonie, nous appelons « apprentissage » ce qui est vraiment la « performance » (court-terme, dans notre bureau) et « généralisation » ce qui est vraiment l’apprentissage (long-terme, au quotidien, apprentissage réel pour une utilisation réelle). Nous caractérisons donc à tort des difficultés dans l’apprentissage de règles d’habiletés langagières comme étant des difficultés de « généralisation des acquis ». Suivant ce constat, un enfant qui n’a pas « généralisé » une forme est un enfant qui n’a pas encore appris comment et pourquoi on utilise cette forme, et donc, un enfant à qui nous n’avons pas réellement enseigné cette forme langagière. Fey (1988) mentionne qu’il n’est pas raisonnable de penser qu’un enfant puisse utiliser une cible langagière de façon cohérente et régulière après une période brève d’intervention (donc, il pourrait prendre plusieurs semaines avant que le fruit d’un travail orthophonique efficace voit le jour). En raison de cela, nous favorisons parfois des moyens et des techniques d’intervention qui favorisent la performance (la répétition, l’imitation, la production d’erreurs suivies de reformulations) plutôt que l’apprentissage réel (accompagner l’enfant d’une production assistée à une production autonome d’une forme langagière, créer des activités qui révèlent elle-même le BUT d’utiliser une forme ciblée). Les interventions en orthophonique devraient être orientées vers le but suivant: favoriser l’apprentissage de règles langagières chez les enfants. 

2. Des enseignements constants et prévisibles sont plus efficaces que des enseignements qui varient les contextes et conditions d’apprentissage et de pratique : FAUX

Si les conditions sont trop prévisibles (p.ex., travailler les pronoms dans le même type de phrases:  il mange X, elle mange Y, il mange Y), les apprentissages deviennent contextuels. Changer le contexte induit plus de difficulté dans la production des cibles (la performance), mais cela favorise les apprentissages car on offre davantage d’indices contextuels aux enfants pour leur permettre de dégager la règle langagière sous-jacente (la régularité). Pour un apprentissage à long terme, les conditions doivent être variées (analogie: pour maîtriser un coup de revers au tennis, il faut le pratiquer en fond de terrain, en milieu de terrain, au filet, avec des balles rapides, lentes, qui arrivent de différents endroits sur le terrain. Si on la pratique toujours au même endroit et avec les mêmes conditions, on risque de ne pas être capable de réellement apprendre à utiliser la manoeuvre lors d’un match. On sera seulement capable de dire « elle » lorsque la phrase sera « elle mange » et lorsqu’on sera dans le bureau de l’orthophoniste 🙂  

3. La stimulation ciblée (pratique condensée) est une stratégie d’enseignement plus efficace que  la stimulation variée (distribuée dans le temps) : FAUX

La recherche démontre largement que les apprentissage se font mieux quand des intervalles de temps sont présents entre les épisodes d’apprentissage (entre vos thérapies). Ce phénomène est observé dans plusieurs domaines (cognitif, moteur, apprentissages de l’écrit, etc). La rétention des informations serait favorisée. Imaginez si tous vos cours d’orthophonie pour un semestre avaient été condensés en 4 semaines plutôt que 15 semaines, vous n’auriez probablement pas assimilé la matière de façon aussi efficace. Intéressant: le fait d’espacer les épisodes d’apprentissages (la fréquence thérapies dans le temps) contribuerait de façon plus importante dans l’apprentissage de certaines formes langagières que l’intensité de la thérapie elle-même (nombre d’expositions à cette forme langagière pendant votre thérapie). Un exemple: une étude a montrée que la performance des enfants après 12 expositions à une cible donnée, mais de façon distribuée dans le temps, était meilleure qu’après 18 exposition à cette même cible, mais de façon très condensée dans le temps. On réduit la quantité de modèles nécessaires pour apprendre une cible langagière en espaçant les thérapies dans le temps !

4. Le plus de rétroaction («feedback»), le mieux : FAUX

Diminuer le nombre de rétroactions (feedback) de la part du clinicien améliorerait la rétention et les apprentissages à long-terme du patient (apprentissage moteur, apprentissages phonologique, etc). Ainsi, l’apprentissage à long terme serait favorisé quand la rétroaction est diminuée plutôt que lorsqu’elle est offerte après chaque essai (p.ex.,: chaque production d’un son). Évaluer chaque production d’un son en conversation mène à plusieurs bris de communication non-naturels et pourraient amener l’enfant à moins porter attention aux rétroactions ou à les ignorer, plutôt qu’à auto-évaluer et corriger ses propres productions.

5. La meilleure façon d’apprendre et de comprendre des informations écrites (un texte) est par relecture des mêmes passages à plusieurs reprises : FAUX

En compréhension de texte, il serait beaucoup plus bénéfique d’amener la personne qui éprouve des difficultés à essayer de récupérer le plus d’information possible en  »rappel d’histoire ou de texte » que de faire relire un passage plusieurs fois. La plupart des étudiants/adultes perdent trop de temps à relire les mêmes passages et prennent trop peu de temps à discuter de l’information et essayer d’en dégager les informations clés. Intéressant (+++): PLUS il est difficile pour la personne de récupérer les informations clés qui ont été lues, PLUS le bénéfice et l’apprentissage sera grand au niveau de la rétention des informations. Plus il est facile pour la personne de récupérer une information, MOINS l’apprentissage à long terme est efficace. 

6. Plus de traitement/d’intervention, c’est toujours mieux (en fréquence) : FAUX

5 séances d’orthophonie par semaine de 45 minutes chacune ne seraient PAS nécessairement plus bénéfiques que deux séances de 30 minutes par semaine. Il existe des plafonds dans les bénéfices associés à la fréquence des interventions. Ainsi, le lien entre la fréquence des thérapies et le progrès ne serait pas aussi direct que ce qu’on pourrait penser. « Plus d’orthophonie » n’est pas toujours mieux 🙂 Dans certains cas, cela diminue même les gains langagiers (voir les études citées dans l’article). Les apprentissages seraient favorisés seulement dans un contexte où, si la fréquence des rencontres est augmentée, on réduit le nombre d’exposition à une cible au sein même de cette rencontre. En somme, il serait bénéfique d’espacer les interventions, et d’espacer les épisodes d’apprentissages dans une même rencontre (si on travaille certains formes langagières dans une activité, changer d’objectif avant de travailler à nouveau cette même cible dans une autre activité). Or, notons que les auteurs mentionnent que les liens entre l’intensité, la fréquence et les apprentissage peut grandement varier d’un individu à l’autre et d’une cible à l’autre. 

7. Les interventions les plus efficaces en langage et en littéracie ciblent les difficultés de traitement (« processing », ex: mémoire, attention, traitement auditif) sous-jacentes plutôt que les limites au niveau des connaissances : FAUX

Ce type d’intervention est populaire car il donne l’impression de pouvoir améliorer les habiletés en langage en « trichant » un peu ou en « réglant » un problème sous-jacent ! Certaines interventions ciblent la mémoire de travail (pouvoir retenir 5-6 items à la fois en mémoire) et les habiletés auditives (p.ex., discrimination). Bien qu’il existe des liens importants entre la mémoire de travail, l’attention, et le langage et que ceux-ci sont souvent fragilisés dans le contexte d’un trouble développemental du langage (voir ce billet), les données sur l’efficacité de ces interventions qui travaillent la mémoire de travail pour améliorer le langage ne sont pas concluantes. L’auteur conclut qu’il est difficile de justifier les interventions ciblant la mémoire de travail pour des enfants qui présentent des difficultés de langage et d’apprentissage. Les cliniciens devraient se méfier des interventions qui offrent une solution  »rapide » au progrès langagier et communicatif sans travailler le langage et la communication. Pour améliorer le langage, on fait du langage. Bien que le fait d’être musclé puisse contribuer à la force des mes coups au tennis, je ne deviendrai jamais une bonne joueuse de tennis si je ne fais que de la musculation, il faut que je me pratique réellement à jouer au tennis pour devenir une bonne joueuse de tennis. À ne pas oublier!

8. Des énoncés télégraphiques (ex: pousse balle, papa parti) ne devraient pas être utilisés pour stimuler des enfants aux habiletés langagières limitées : VRAI

Il serait beaucoup plus difficile pour un enfant de comprendre un énoncé télégraphique (p.ex., « pousse balle ») car l’absence d’éléments grammaticaux diminue les indices prosodiques et syntaxiques (syllabes faibles versus fortes) qui nous permettent de comprendre les frontières des mots. L’alternance prosodique entre les mots grammaticaux et les mots-contenus permettent aux enfants de savoir que tel mot est un nom, un verbe, ou un adjectif. Enlever ces indices diminue la compréhension du message chez tous les enfants et diminuerait l’apprentissage de nouveaux mots. Conclusion: les cliniciens devraient TOUJOURS offrir des modèles de langage complets, riches, variés et complexes (même avec des enfants qui présentent des habiletés très limitées en compréhension et/ou en expression du langage). Intéressant (+++): Il serait plus bénéfique de commenter sur la production d’un enfant, de la complexifier et d’ajouter des informations à ce qui est dit (Enfant: l’éléphant cherche bébés, Adulte: Oui, l’éléphant cherche SES bébés ! Où sont partis ses bébés?) que de donner du feedback pour évaluer la production (Enfant: l’éléphant cherche bébés, Adulte: Hmm, l’enfant cherche bébé ou l’enfant cherche ses bébés ?). 

9. Augmenter la longueur moyenne des énoncés (LMÉ) et cibler l’acquisition de nouveaux morphèmes (l’auteur parle des 14 morphèmes de Brown’s, en anglais) sont des objectifs d’intervention appropriés : FAUX

L’auteur met l’accent sur la complexification des énoncés avant l’augmentation de la LMÉ. C’est à dire, il ne faudrait pas attendre qu’un enfant puisse produire une phrase et une grammaire de base AVANT d’introduire des énoncés et cibles grammaticales complexes qui lui permettraient de produire des phrases plus complexes (p.ex., des prépositions, des conjonctions de coordination ou de subordination). Il faudrait cibler la complexification des énoncés dès l’âge préscolaire, même si l’enfant n’utilise pas encore systématiquement une structure syntaxique de base. Un principe général à respecter pour une thérapie efficace qui maximise l’apprentissage langagier (il faut relire l’énoncé suivant et bien le comprendre, ça a personnellement changé ma vision complète de l’intervention orthophonique) : Il faut veiller à cibler la FONCTION d’une forme syntaxique ou d’un morphème plutôt que la production de cette forme syntaxique ou ce morphème en soi (p.ex., les déterminants peuvent permettre de spécifier la quantité d’éléments, la préposition « avec » sert notamment à accompagner, la préposition « pour » sert notamment à offrir/décrire la fonction de quelque chose, l’utilisation de « que/qui » permet de spécifier quelque chose à propos du groupe du nom: celui qui court / le garçon qui mange). Il faut créer une activité qui révèle la fonction de ces formes grammaticales implicitement: c’est la clé pour travailler la morphosyntaxe. Des exemples intéressants et concrets sont donnés par l’auteur dans l’article (garder en tête que ces exemples sont pour l’anglais).

10. Les habiletés de séquençage (« sequencing » : remettre des histoires en séquence dans le bon ordre) sont importantes pour soutenir les habiletés en discours narratif : FAUX

L’auteur est catégorique: pour améliorer les habiletés de narration, il ne faut pas travailler les images ou histoires en séquences. Pour comprendre et produire efficacement et clairement une histoire, il vaut mieux travailler l’écoute d’histoires pendant laquelle vous offrez de l’étayage verbale, poser des questions et échanger à propos de l’histoire, travailler la compréhension des inférences (prédire, anticiper un sentiment, une action dans l’histoire), faire des hypothèses sur le sens d’un nouveau mot, recréer une histoire avec des actions, etc. Pour une méta-analyse relative aux stratégies d’intervention efficaces pour travailler le discours narratif, consultez cet autre billet. L’auteur dit qu’on ne devrait JAMAIS y avoir d’objectif isolé ciblant l’habileté à organiser des images en séquence (c’est un peu comme une habileté sous-jacente, au fond). Les approches d’intervention devraient diminuer les exigences en mémoire et en attention en entretenant une discussion contextuelle autour d’une histoire. Le rappel d’histoire sera d’autant plus facile par la suite, et l’activité est beaucoup plus fonctionnelle pour les apprentissages scolaires ultérieurs de l’enfant. L’auteur mentionne l’approche CLI (Contextualized Language Intervention) à plusieurs reprises comme étant une approche efficace pour travailler le discours et la communication, or, nous ne connaissons pas ce programme (à explorer!)

Dans mon bureau (il y en a beaucoup cette semaine !) :

Mon nouveau vocabulaire pour juger des progrès: J’enlève le mot « généralisation » de mon jargon orthophonique 🙂 J’utilise plutôt les termes « performance » et « apprentissage » pour juger du progrès en intervention. Si mon patient parvient à produire une cible correctement dans un contexte ou une activité seulement, ce n’est pas qu’il est en cours de généralisation, c’est plutôt qu’il n’a tout simplement pas appris ou acquis l’habileté ou la règle sous-jacente à l’utilisation de cette forme langagière. Je dois donc présenter de nouveaux contextes, rendre la fonction de cette forme plus saillante, aider l’enfant à tirer la règle générale derrière la cible, plutôt que de favoriser une bonne performance dans une activité ou un contexte particulier.

– Mes cibles et nouveaux objectifs: Je dois réviser mes objectifs et cibles pour favoriser les apprentissages de règles générales derrière l’utilisation de certaines formes de langage. Par exemple, plutôt que de cibler l’apprentissage du pronom « je » dans des activités structurées, mes interventions pourraient cibler l’exposition à des formes de langage et à des énoncés qui permettent à l’enfant de comprendre le rôle des pronoms (il existe des petits mots qui changent le sens d’un énoncé). Les activités devraient donc permettre des situations qui exposent explicitement l’importance de la distinction entre les pronoms dans les énoncés produits.

Les contextes de pratique: Je varie souvent les contextes et les modèles langagiers que je fournis au patient (changer d’activité, changer de type d’énoncé, ne pas utiliser de formes figées de langage (ex: « je pige un poisson/je pige un requin/je pige un…», plutôt, varier les modèles langagier, les phrases, les contextes dans lesquels la cible langagière se retrouve (début, milieu, fin de phrase, contextes faciles, contextes difficiles), et, surtout, varier les activités d’apprentissage et les indices fournis. 

–  Mon feedback: Je ne donne pas de rétroaction/feedback à chaque production du patient. Je ne corrigerai ou reformulerai pas chaque production, car ceci amènera l’enfant/l’élève/l’adulte à porter moins attention au feedback et à diminuer l’auto-évaluation de ses performance. 

Quand je travaille la compréhension du langage écrit: Je favoriserai un contexte de discussion où on tente de récupérer le plus d’informations-clés possible et de donner un sens (travailler les inférences, l’anticipation, le résonnement, l’attention aux indices) aux informations qui sont écrites ou présentées, plutôt que de relire plusieurs fois un passage.

– Quand je travaille la narration: Je ne travaille par l’habileté à « mettre des images en ordre ». J’opte pour des objectifs plus fonctionnels (ex: l’enfant pourra faire un rappel des éléments clés de l’histoire, l’enfant pourra réaliser des inférences causales pendant la lecture d’un récit, etc). Je consulte la méta-analyse suivante pour savoir comment travailler efficacement le discours narratif.

– Concernant les habiletés de traitement qui sous-tendent le langage (ex: mémoire de travail): Je m’abstiens de travailler ces habiletés cognitives à l’isolé car elles ne se transfèrent pas au langage (lorsqu’on parle de langage en développement chez l’enfant). J’utilise le temps qui m’est offert avec l’enfant pour travailler avec le langage, sur le langage, pour améliorer le langage.

Je n’utilise pas d’énoncés télégraphiques simples. J’expose l’enfant (et je montre à l’entourage comment le faire) à des formes variées, complexes et complètes de langage. Je n’attends pas que l’enfant maîtrise une structure syntaxique de base avant d’introduire des structures plus complexes. J’offre rapidement des outils à l’enfant pour complexifier ses phrases: je me mets au défi de toujours inclure un objectif en ce sens lorsque l’enfant commence à produire de petites phrases.

Référence: Kamhi, A. G. (2014). Improving clinical practice for children with language and learning disorders. Language, Speech, and Hearing Services in Schools, 45, 92–103. doi:10.1044/2014_LSHSS-13-0063 

11 réflexions au sujet de “Mythes et réalités sur l’apprentissage et le langage: Testez vos connaissances !”

  1. Mélissa, wow, fascinant! Je me questionne sur plusieurs choses que je fais depuis longtemps, et je suis certaine que je ne suis pas la seule… J’ai tenté de lire une histoire avec une petite fille de 4 ans hier and de parler de l’histoire par après, mais évidemment, elle a produit des énoncés peu élaborés et elle ne voulait pas vraiment participer. Comment faire pour que ce soit plus intéressant pour les tout-petits de travailler la narration?

    1. Bonjour !
      Merci pour votre commentaire, je suis (très!!!) contente que cet article permet à d’autres de se questionner et de réfléchir sur leur pratique et de se remettre en question comme il me l’a permis aussi ! C’est la mission principale du blogue ! Effectivement, les activités de rappel d’histoire peuvent être très difficiles avec des enfants d’âge préscolaire (je le vois aussi très souvent dans ma pratique). En lisant l’article de Kamhi, je me rends toutefois compte que c’est exactement le type de difficultés qu’on cherche à obtenir en clinique (quand il parle de «difficultés désirables/desirable difficulties»). On favorise souvent des activités et des contextes qui rendent les tâches faciles, en graduant toujours le niveau de difficultés. Mais cet article explique que plus il est difficile pour l’enfant de récupérer les éléments de l’histoire, plus l’activité est efficace pour la mémoire et le transfert à long terme des habiletés. Quelques idées que j’essaie moi aussi de mettre en pratique pour travailler la narration comme le propose Kamhi :
      Plutôt que de lire l’histoire ensemble et de demander à l’enfant de faire un rappel par la suite, je favorise plutôt un contexte où nous échangeons et discutons de tout ce qui se passe dans l’histoire, à chaque page, en collaboration. Je pose des questions à l’enfant pour connaître ce qu’il pense qui va arriver ensuite dans l’histoire, pourquoi, comment il pense que les personnages se sentent, pourquoi, les expériences vécues de l’enfant en lien avec ce qui est présenté dans le livre (toi es-tu déja allé à la ferme ? Tu as fait quoi ? vu quoi ? c’est pareil comme dans l’histoire/c’est très différent), porter attention à des détails sur l’image. Je passe BEAUCOUP de temps à montrer au parent comment décrire, commenter et expliciter tout ce qui se passe dans leur tête et toutes leurs pensées pour démontrer à l’enfant comment raisonner et justifier (ex: je pense qu’ils ont froid parce qu’ils se serrent les bras et que je vois beaucoup de neige, il ne sont pas bien habillés, c’est un problème). L,activité de lecture peut être très longue, une bonne demi-heure ou même, il peut s’agir de la seule activité de la session, car l,activité en soi est naturelle (lecture d’un livre) et les échanges qui ont lieu sont la base d’un meilleur rappel par la suite. En se basant sur les propos de Kamhi, on pourrait ensuite demander à l’enfant d’essayer de se souvenir du plus d’éléments dans l’histoire, en alternance avec l’orthophoniste ou le parent (maman se rappelle d’une chose, toi tu te rappelles d’une chose, etc). De favoriser un contexte où on essaye simplement de se rappeller de tous les éléments de l’histoire pourrait être plus simple pour l’enfant que si on lui demande de raconter l’histoire ousi on lui demande «Qu’est-ce qui arrive en premier, après, en dernier, comment ça fini, etc». Après avoir favorisé un rappel (et, selon l’auteur, tant mieux si c’est difficile! Les effets seront plus grands à long terme!), je pourrais demander à l’enfant d’essayer de parler des éléments clés de l’histoire (c’était l’histoire de qui / il voulait quoi/c’était quoi le problème / il a fait quoi /comment ça a fini?)

      Peut-être que simplement l’action focuser sur le partage d’expérience (lecture partagée, activité de lecture naturelle/CLI) permettra à l’enfant de développer des stratégies pour analyser les images, l’histoire, les inférences, et que tout ce processus facilitera la narration par la suite ! C’est ce que semble dire l’auteur en tout cas 🙂

      J’invite d’autres orthophonistes à proposer leurs idées et suggestions pour adapter la pratique clinique et le travail de la narration à la lumière des données probantes et des connaissances proposées par Kamhi !

    2. Pour compléter la réponse de Mélissa, j’ajouterais qu’il est tout à fait normal devant une nouvelle tâche que l’enfant ne réussisse pas du premier coup. Comme Mélissa le mentionne, le but n’est pas que l’enfant réussisse du premier coup, mais qu’il « travaille ». Je raconte presque systématique des histoires dans chacune de mes thérapies et les enfants participent bien parce qu’ils sont habitués. Tout comme Mélissa, je crois que les premières fois, il faut beaucoup modeler les comportements qu’on veut voir apparaître chez l’enfant… et chez le parent (parler de ce qu’observe, des inférences qu’on fait, de ce qu’on prédit pour l’histoire) !

      Ensuite, je trouve très intéressant l’idée de ne pas demander à l’enfant de raconter l’histoire, mais d’essayer de se souvenir de beaucoup d’éléments. Je trouve que ça met moins de pression « d’organisation des idées » sur l’enfant et qu’on favorise un rappel plus « spontané ».

      Enfin, je crois qu’on a beaucoup avantage à faire observer les enfants. La « lecture d’image » (i.e.; comprendre ce qui se passe sur une image, les intentions des personnes, leurs émotions, combler les données manquantes en faisant des inférences, etc.) est une habileté déficitaire chez beaucoup d’enfants avec des difficultés de langage. Et la meilleure manière de le travailler est sûrement dans une histoire où le contexte supporte la compréhension de l’enfant et l’aide à faire tous les liens.

      Anecdote personnelle : Dans « Les trois petits cochons » (une de mes histoires préférées), je demande souvent aux enfants ce que les petits cochons amènent dans leur baluchon lorsqu’ils partent de la maison de leur maman. On réfléchit ensemble l’enfant et moi, j’adore ça !

  2. Bonjour,

    Waouh !!!! Je découvre aujourd’hui ce blog qui va être ma référence en terme d’actualités scientifiques. Merci pour ce panel de retour de lectures d’articles.

    Dans ce présent article je n’ai pas saisi le passage sur le langage télégraphique.
    Petite difficulté de compréhension de ma part ? …. il est possible que oui …
    Mais si vous êtes d’accord de m’éclairer sur ce passage : « Je n’attends pas que l’enfant maîtrise une structure syntaxique de base avant d’introduire des structures plus complexes. » J’ai de la peine à comprendre ce que cela donne en contexte concret.

    Merci par avance pour votre réponse et merci grandement pour ces éclairages scientifiques que je cherchais désespérément.

    Belle journée

    1. Bonjour Séverine ! Merci pour les bons mots 🙂 Cet article de Kamhi est un de nos préférés ! Concernant le conseil de débuter les structures complexes même si les structures de base de sont pas maîtrisés, ça pourrait vouloir dire d’introduire des phrases à 2 verbes (J’ai mangé mes céréales dans un bol, mais j’ai renversé du lait sur le plancher) avant que les phrases sujet-verbe-complément (J’ai mangé mes céréales dans un bol bleu.) soit produite parfaitement. Est-ce que ça répond à votre question ?

      Bonne journée ! Marie-Pier Gingras

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