Titre de l’article
An exploration of motor learning concepts relevant to use of speech-generating devices (Elena Dukhovny & Jennifer J. Thistle, 2019)
*Ce résumé est rédigé par Floriane Olivier, orthophoniste, et Julie Paquet, enseignante en adaptation scolaire et sociale. Floriane et Julie ont une expertise en communication alternative et améliorée qu’elles partagent sur leur site Ça dit ça. Vous pouvez aussi suivre leur projet sur leur groupe Facebook. Un énorme merci à Floriane et Julie pour leur contribution à Tout cuit dans le bec 😃 !
Qu’est-ce que la Communication Alternative et Améliorée?
La Communication Alternative et Améliorée (CAA) désigne toutes les façons dont un individu communique, en dehors de la parole. Elle repose sur une variété de techniques et d’outils, visant à soutenir les personnes présentant des difficultés de communication dans l’expression de leurs idées (d’après l’ASHA, Elsahar & al., 2019, et Porter, 1997).
Quel est le lien entre la CAA et l’apprentissage moteur?
À force de répéter un mouvement ou une séquence de mouvements, on devient plus précis et plus rapide dans l’exécution de ces derniers. Par mouvement, on peut penser au fait de se brosser les dents, de jouer du piano ou de sélectionner une icône sur son appareil de CAA !
Bien que les élèves québécois qui en ont besoin puissent bénéficier d’équipements technologiques via des mesures gouvernementales pour soutenir leur communication, ces outils sont souvent abandonnés en raison d’un manque de généralisation au quotidien.
En connaissant davantage les principes de l’apprentissage moteur, il est possible de favoriser l’utilisation des outils de CAA à long terme : quand l’appareil de CAA est utilisé plus rapidement par l’élève, on augmente les chances que son utilisation soit généralisée au quotidien.
Les stades de l’apprentissage moteur
Dans leur article, Dukhovni et Thistle décrivent l’apprentissage moteur selon trois stades présentés dans cette section :
1. Phase cognitive (initiale)
À ce stade, on effectue le mouvement ou la séquence de mouvements pour les premières fois. Nos gestes sont lents et imprécis et toute notre attention est sollicitée dans leur exécution : notre effort est conscient.
Il est recommandé au stade initial de l’apprentissage moteur, de consacrer du temps à l’exploration active de l’appareil de communication par l’utilisateur, même si on ne perçoit pas nécessairement d’intention de communication. En effet, ceci permet à l’apprenant de se familiariser avec l’emplacement de son vocabulaire, qui lui servira au fur et à mesure à communiquer de façon plus fluide.
2. Phase associative (intermédiaire)
Dans le domaine de la CAA, un utilisateur se situe à cette étape lorsqu’il commence à repérer globalement la zone dans laquelle se trouve l’icône qu’il recherche, mais qu’il hésite sur son emplacement exact. Il dirige son doigt dans la bonne direction mais doit encore procéder à une recherche visuelle dans la zone ciblée pour localiser et activer l’icône voulue. Il sera courant à cette étape, que les erreurs de l’utilisateur consistent à activer une icône à proximité de la cible.
3. Phase autonome (finale)
Au dernier stade de l’apprentissage moteur, on peut exécuter le mouvement ou la séquence de mouvements pratiquement sans y penser, comme lorsque vous composez un message sur votre téléphone portable ou que vous écrivez un texte à l’ordinateur (et que vous avez l’habitude de le faire !). Vos doigts rejoignent les bonnes touches, sans que vous ayez besoin de les regarder.
Ce niveau d’automaticité est cependant rarement atteint par les utilisateurs de CAA, tel que le mentionnent les auteurs. Une des explications possibles est le manque d’entraînement. Ceci nous conforte dans l’idée que l’implication de tous les partenaires de communication est primordiale, dans la mise en place d’un outil de CAA.
Les facteurs qui influencent l’apprentissage moteur
Différents facteurs favorisent l’apprentissage moteur. Ces facteurs sont listés ci-dessous. Si vous souhaitez en apprendre davantage, nous vous invitons à aller lire l’article complet du site Ça dit ça.
1. L’entraînement
Les auteurs présentent plusieurs types de pratique, qui diffèrent en fonction de leur fréquence, de leur durée, de leur variabilité et de leur approche globale ou partielle. Le bon dosage de ces paramètres dans l’entraînement a un impact, à chaque étape de l’apprentissage moteur.
- La pratique distribuée
- La pratique en masse
- La pratique aléatoire
- La pratique en bloc
- La pratique globale
- La pratique partielle
2. L’objectif de la tâche
3. La rétroaction
Finalement, même avec beaucoup de modélisation et de pratique, les auteurs rappellent que les progrès dans le domaine de l’apprentissage moteur peuvent se produire par à-coups, si bien qu’on peut observer des plafonds chez certains utilisateurs, après une belle évolution. Il est néanmoins possible qu’ils soient encore en train d’acquérir de nouvelles compétences (Muratori et al., 2013).
Sachant ceci, nous pouvons encourager les partenaires de communication à persévérer, même lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur de la stimulation fournie. Au-dessus du plafond peut se trouver un étage supplémentaire, et il faut laisser le temps à l’utilisateur de trouver et de grimper les escaliers !
Dans mon bureau
J’ai en tête les différents stades de l’apprentissage moteur :
√ Au premier stade (phase cognitive), j’encourage l’exploration active : même si les activations sont hasardeuses et que l’intention de communication ne semble pas toujours présente, elles permettent à l’utilisateur de se familiariser avec son nouvel outil.
√ Je repère le deuxième stade (phase associative), lorsque l’utilisateur commence à se diriger dans la bonne zone sur l’écran, même s’il commet des erreurs d’activation, et qu’il commence à s’auto-corriger.
√ Au dernier stade (phase autonome), l’utilisateur peut activer une séquence de messages, sans perdre de temps à les chercher visuellement. Afin de soutenir l’apprentissage moteur, je m’assure d’avoir une vision pour aujourd’hui et pour le futur, lorsque je crée ou modifie des grilles de communication dans l’outil technologique d’un utilisateur, en évitant de modifier l’emplacement des symboles, lorsque j’en ajoute de nouveaux (il est préférable de proposer des grilles contenant potentiellement plus d’icônes, que l’on masquera au début de l’entraînement).
Si vous souhaitez en apprendre plus sur la planification motrice, vous pouvez consultez ces deux publications sur le site Ça dit ça :
Je tiens compte des facteurs favorisant l’apprentissage moteur :
√ Je sensibilise l’entourage (famille, école) à la nécessité d’une utilisation quotidienne et fréquente de l’appareil, pour favoriser l’apprentissage.
√ J’encourage des périodes d’entraînement fréquentes et de courte durée (pratique distribuée). Par exemple : je profite de différents moments tout au long de la journée, pour stimuler l’utilisation de l’appareil de CAA sur une courte période (activer des mots pour commenter quelque chose, pour poser ou répondre à une question, pour choisir, pour refuser, etc.).
√ Je privilégie un entraînement “en bloc” pour l’apprentissage ou la consolidation d’une nouvelle séquence motrice, et un entraînement “aléatoire” pour la généraliser.
- Pratique en bloc : je suscite la production d’un nouveau mot à plusieurs reprises dans une activité (lors de l’introduction du mot interrogatif “où”, je peux choisir une histoire dans laquelle ce mot revient souvent, comme le livre “Où est Spot, mon petit chien ?” ou encore, proposer une partie de “Cherche et trouve”, qui permettront de modéliser et d’activer plusieurs fois le mot-cible, en quelques minutes).
- Pratique aléatoire : au moment de la collation, tout en modélisant et en créant des opportunités de produire différents mots (ex.: encore, vouloir, pas, aimer, bon, banane, biscuit, verre, etc.), je crée des occasions de stimuler le mot-cible “où” en cherchant des ustensiles ou des items dont l’utilisateur a besoin pour manger, ou pour savoir “où” il veut s’installer pour prendre sa collation, etc.
√ J’enseigne les séquences motrices par étapes à l’utilisateur. Par exemple : je n’exige pas de l’utilisateur qu’il effectue tout le chemin depuis la page d’accueil jusqu’à l’icône recherchée, tant qu’il n’en est pas encore capable. Je l’encourage à amorcer la séquence ou à la finaliser, et je l’aide, lorsqu’il en a besoin.
√ J’encourage l’utilisation de l’appareil de CAA dans des situations de communication motivantes. Par exemple : l’activation de l’icône “encore” va permettre à l’utilisateur d’obtenir la répétition d’une action ou l’obtention de quelque chose qu’il a aimé précédemment ou bien, l’activation d’une icône contenant un message pré-enregistré (ex.: blague ou taquinerie) va lui permettre d’obtenir de l’attention et des réactions positives de la part de l’interlocuteur.
√ J’encourage les tentatives de communication de l’utilisateur, à travers une rétroaction fréquente et cohérente. Par exemple : lorsque l’utilisateur prête un intérêt à son appareil de CAA ou qu’il active un message, je réponds à son intention, je lui donne du sens, je l’enrichis à travers un message supplémentaire, etc.
√ Je me souviens que l’apprentissage moteur se fait par à-coups et qu’il est normal d’observer des plafonds temporaires, malgré un entraînement régulier. Ceci m’aide à rester prudent(e) dans mes pronostics et recommandations. J’en informe les autres partenaires de communication de l’utilisateur, afin qu’ils ne se découragent pas !
Référence complète :
Dukhovny, E. & Thistle, J., (2019). An exploration of motor learning concepts relevant to use of speech-generating devices, Assistive Technology, 31:3, 126-132 https://doi.org/10.1080/10400435.2017.1393845
Autres articles et ressources cités :
American Speech-Language-Hearing Association (ASHA). (n.d.a). Augmentative and alternative communication. ASHA. https://www.asha.org/practice-portal/professional-issues/augmentative-and-alternativecommunication/
American Speech-Language-Hearing Association (ASHA). (n.d.a). Augmentative and alternative communication. ASHA. https://www.asha.org/public/speech/disorders/aac/
Elsahar, Y., Hu, S., Bouazza-Marouf, K., Kerr, D., & Mansor, A. (2019). Augmentative and alternative communication (AAC) advances: A review of configurations for individuals with a speech disability. Sensors, 19(8), 1911. https://doi.org/10.3390/s19081911
Porter G. (1997) Integrating AAC into programs applying the principles of conductive education. Conduct Educ News. 12:2–8.