Ce résumé a été rédigé par Maude Gagnon, orthophoniste et étudiante au doctorat. Son projet de recherche porte sur les habiletés communicationnelles orales et écrites des adolescents présentant une surdité. En clinique, elle intervient auprès d’élèves d’âge scolaire qui ont des difficultés/troubles du langage oral et écrit. Merci beaucoup à Maude pour cette collaboration !
Titre de l’article
Dyslexia and Developmental Language Disorder: comorbid disorders with distinct effects on reading comprehension (Snowling et al., 2020)

Pourquoi en parler ?
Le trouble développemental du langage (TDL) et la dyslexie sont des troubles développementaux établis comme étant distincts qui affectent respectivement le développement du langage et le développement des habiletés en identification de mots. Bien qu’il arrive que des élèves présentent à la fois un TDL et une dyslexie, les connaissances sur leur profil langagier (oral et écrit) sont plus rares. L’objectif de l’article présenté est d’examiner la sévérité des difficultés en vocabulaire, en identification de mots et en compréhension de textes de trois groupes d’élèves âgés de 8 ans. Un premier groupe de jeunes présente un trouble développemental du langage sans dyslexie, un deuxième groupe présente une dyslexie sans TDL et le troisième groupe atteint les critères de ces deux troubles.
Un brin de méthodologie
Les données collectées proviennent d’une étude longitudinale. Comme les critères pour émettre une conclusion orthophonique ne sont pas les mêmes selon l’âge, le classement des participants a changé au fil du temps. L’article traite des données collectées lorsque les participants étaient âgés de 8 ans et de 9 ans. Un premier classement à été effectué à trois ans et demi et un second à 8 ans.
Classement à 3 ans et demi
À 3 ans et demi, les auteurs ont classé les enfants en trois groupes :
1) Enfants à risque de présenter une dyslexie en lien avec des antécédents familiaux
2) Enfants ayant des difficultés langagières au préscolaire
3) Enfants au développement typique et sans la présence de facteurs de risque
Classement à 8 ans
1) 21 enfants présentaient une dyslexie : les critères de l’étude étaient l’obtention d’un score composite de 89 ou moins (formé par la moyenne des scores Z au Single Word Reading Test et au test orthographe du WIAT) ce qui représente un écart de -1,5 écart-type avec le groupe au développement normal. Ces participants ne présentaient pas de difficultés langagières.
2) 38 jeunes présentaient un trouble développemental du langage (TDL) : les critères de l’étude étaient l’obtention d’un score composite de 85 ou moins (formé par la moyenne des scores Z aux tâches de Vocabulaire expressif du CELF-4, de Répétitions de phrases du CELF-4 et au TROG-II, un test de compréhension morphosyntaxique). Leurs habiletés de décodage se situaient dans les normes.
3) 29 enfants qui atteignaient les critères pour les conclusions de dyslexie et de TDL.
4) 71 enfants au développement langagier typique (DT)
Tests utilisés pour comparer les habiletés des groupes à 8 ans
Langage oral
– Formulation de phrase du CELF-4
– Vocabulaire expressif du CELF-4
– ROWPVT (vocabulaire réceptif)
En lecture
Mots isolés
– The Single word reading
– The Exceptions Words du Diagnostic Test of Word Reading Processes
– Tests of Word Reading Effiency
Lecture de non-mot
– The Graded Nonword Reading test
– The nonwords du Diagnostic Test of Word Reading Processes
– Tests of Word Reading Efficiency
Compréhension de textes
– York Assessment of Reading for Comprehension
Résultats et interprétation
Les résultats présentés dans cette section du résumé concernent uniquement les groupes formés selon le classement à 8 ans. Des résultats concernant les groupes formés selon la classification à 3 ans sont également disponibles dans l’article.
Décodage de mots et de non-mots
– Bien qu’ils n’atteignaient pas les critères de la dyslexie, le groupe TDL a obtenu des résultats inférieurs au groupe DT.
– Le groupe Dyslexie a obtenu des résultats significativement inférieurs au groupe de jeunes TDL en décodage. Cette différence était plus marquée à la tâche de lecture de non-mots, où les résultats du groupe Dyslexie sont très éloignés du groupe au développement typique (entre 2,13 et 2,29 écarts-types), alors que groupe TDL se situait entre 0,59 et 0.68 écart-type du groupe contrôle.
Vocabulaire
– Aux mesures à 8 et à 9 ans, le groupe Dyslexie présentait un score similaire au groupe DT et les groupes TDL et Dyslexie+TDL présentaient des scores significativement plus faibles.
– À 8 ans, 8/21 (38%) des enfants du groupe Dyslexie présentaient un vocabulaire équivalent ou inférieur à -1 écart-type, alors que c’était le cas de 97% des enfants du groupe TDL et de 90% des enfants du groupe Dyslexie+TDL.
Compréhension de lecture
– Le groupe présentant une dyslexie a obtenu des résultats inférieurs au groupe DT, mais cette différence n’est pas statistiquement significative.
– Le groupe Dyslexie a obtenu des résultats supérieurs au groupe TDL et cette différence est statistiquement significative.
– Les résultats du groupe Dyslexie+TDL sont similaires à celle du groupe TDL, c’est-à-dire que la différence entre ces deux groupes n’était pas statistiquement significative.
Un haut pourcentage de participants à l’étude atteignait les critères (déterminés dans le cadre de l’étude) des deux troubles : 48% de tous les participants qui présentaient un TDL avaient aussi une dyslexie et 58 % de tous les participants ayant une dyslexie présentaient également un TDL. Toutefois, plusieurs enfants éprouvaient des difficultés isolées (dyslexie sans difficulté langagière ou TDL sans difficulté en décodage), ce qui supporte la théorie selon laquelle ces conditions peuvent être départagées. Selon les résultats de l’étude longitudinale, les jeunes présentant une dyslexie à l’âge scolaire (difficultés significatives sur le plan du décodage) éprouvaient des difficultés à traiter les informations de nature phonologique dès l’âge préscolaire. Au contraire, les jeunes ayant un TDL seul présentent un déficit langagier plus large qui affecte principalement la compréhension en lecture, et ce, même si les habiletés en décodage sont préservées. Différentes formes d’intervention en compréhension de textes sont donc nécessaires selon la source des difficultés (décodage, habiletés langagières ou les deux).
Par ailleurs, les trois groupes de participants (dyslexie, TDL et dyslexie + TDL) ont tous démontré des difficultés en compréhension de textes ce qui concorde avec la perspective théorique de The Simple View of Reading qui indique que la compréhension en lecture est le produit du décodage et des habiletés langagières. Des déficits dans l’une ou l’autre de ces habiletés peuvent engendrer des difficultés en compréhension de textes. De plus, comme attendu, le groupe d’enfants identifié comme présentant une dyslexie et un TDL est le groupe qui a démontré les difficultés les plus importantes en compréhension de textes. L’ampleur de ce déficit était moins marquée à 8 ans qu’à 9 ans.
Enfin, selon le classement établi à 3 ans, un haut pourcentage (55%) des enfants identifiés comme étant à risque de dyslexie ou qui présentaient des difficultés langagières éprouvaient toujours à 8 ans des difficultés importantes en lecture ou sur le plan du langage (dyslexie, trouble développemental du langage ou les deux troubles en comorbidité). Le fait de présenter des difficultés langagières en bas âge place ainsi réellement à risque ces jeunes de présenter un TDL à un âge plus avancé tout comme le fait d’avoir un historique familial de dyslexie place réellement à risque ces jeunes d’éprouver des difficultés en lecture. La mise en place en bas âge d’interventions basées sur les données probantes pour ces enfants est donc primordiale.
Dans mon bureau
√ J’évalue les habiletés impliquées dans l’apprentissage du langage écrit même chez les jeunes de maternelle (par exemple, la conscience phonémique). Il est possible qu’un jeune ayant des habiletés langagières dans les normes ait de grandes difficultés en conscience phonémique ce qui risquerait de nuire au bon développement de ses habiletés en littératie. En évaluant cette habileté, je suis habilitée à outiller ces jeunes tôt et à favoriser leur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
√ J’évalue systématiquement les habiletés langagières orales et écrites lors de mes évaluations avec la clientèle d’âge scolaire et je réalise des tâches permettant de voir les liens entre l’oral et l’écrit. Par exemple, j’analyse les productions écrites des jeunes afin d’obtenir un meilleur portrait de leurs habiletés langagières dans un contexte recrutant des habiletés plus complexes. Je peux observer, entre autres, si le vocabulaire utilisé est d’un niveau suffisant pour le registre littéraire, si les phrases sont suffisamment complexes et si le jeune maîtrise la structure du texte attendu (ex. : narratif, explicatif, justificatif). Je m’intéresse également aux aspects langagiers qui viennent entraver la compréhension de textes (ex. : Est-ce le vocabulaire littéraire? Le peu de connaissances sur le sujet qui nuit à la réalisation des inférences?).
√ Je demeure à l’affût des dernières données de la recherche concernant les critères diagnostic de ces deux troubles. Selon un plus récent article de Snowling (2020), l’assouplissement des critères diagnostics de la dyslexie a mené à une confusion diagnostique et qu’à plus long terme ces critères pourraient devoir changer.
Référence complète
Snowling, M. J., Hayiou-Thomas, M. E., Nash, H. M., & Hulme, C. (2020). Dyslexia and developmental language disorder: comorbid disorders with distinct effects on reading comprehension. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 61(6), 672–680. https://doi.org/10.1111/jcpp.13140
Snowling, M. J., Hulme, C., & Nation, K. (2020). Defining and understanding dyslexia: past, present and future. Oxford Review of Education, 46(4), 501–513. https://doi.org/10.1080/03054985.2020.1765756