Évaluation, bilinguisme, Fait au Québec, Gratuités, Langage - Dév., Préscolaire, trouble développemental du langage

Évaluer les enfants bilingues : Guide d’accompagnement du CIUSSS de la Capitale-Nationale

En mars 2022, des orthophonistes du CIUSSS de la Capitale-Nationale ont publié un guide d’accompagnement destiné aux orthophonistes qui évaluent des enfants bilingues.

Le document fait 63 pages et vous le trouverez ici.

Bonne lecture et bravo aux orthophonistes qui ont réalisé le document !

Langage - Dév., Scolaire

L’utilisation de gestes facilite-t-elle l’apprentissage de nouveaux mots chez les enfants présentant un trouble développemental du langage (TDL) ?

Titre de l’article

Using gestures to help children with specific language impairment in word learning (Bragard & Schelstraete, 2023)

Ce résumé a été rédigé par Julie Cattini. Julie est orthophoniste au Luxembourg, elle adore lire des articles pour mieux prendre en charge ses patients et elle aime aussi partager ses lectures. Un énorme merci à Julie pour toutes ses contributions au blogue!

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Pourquoi en parler ?

Les enfants présentant un trouble développemental du langage rencontre des difficultés d’apprentissage de nouveaux mots. Les recherches actuelles suggèrent que cela est attribuable à une difficulté de créer et de stocker des représentations phonologiques et sémantiques de nouveaux mots et d’établir des liens solides entre ces représentations (pour le lecteur intéressé, nous vous renvoyons vers la présentation orale donnée par Estelle Dauvister dans le cadre des Webinaire du Lurco). Les enseignants de l’enseignement spécialisé ainsi que les orthophonistes proposent régulièrement l’utilisation de gestes pour soutenir le développement lexical dans des situations quotidiennes. Cependant, des preuves théoriques et empiriques solides manquent afin de soutenir cette pratique professionnelle.

Contexte théorique de l’étude

Données théoriques : Selon la théorie du double codage, les gestes pourraient jouer un rôle important dans l’apprentissage des mots car la multimodalité crée une connexion plus forte en mémoire. Le geste créerait ainsi un lien supplémentaire entre la représentation phonologique et sémantique du mot.

Étant donné que les déficits d’apprentissage lexical des enfants présentant un TDL sont associés à un fonctionnement déficient de la mémoire à court terme verbale, l’utilisation de la multimodalité pourrait être utile pour réduire la charge sur la mémoire à court terme verbale lors de l’encodage et de la récupération.

Données empiriques : Pour l’enfant au développement typique (DT), l’utilisation de la multimodalité a montré un effet facilitateur de l’apprentissage de nouveaux mots de sa langue maternelle ou d’une seconde langue avec l’utilisation de gestes iconiques ou encore d’indices gestuels sur la forme ou la fonction. Les résultats tendent à montrer qu’il est nécessaire que le geste proposé soit signifiant sur le plan sémantique (ou qu’on lui attribue une signification = gestes arbitraires). Par ailleurs, les études montrent des résultats positifs pour les jeunes enfants ou les enfants d’âge préscolaire mais l’étude de van Berkel-Van Hoof et al. (2016) ne montre aucun effet des gestes iconiques pour des enfants de 9 à 11 ans.

*Rappel : Un geste iconique est un mouvement des mains ou du visage qui représente le contenu sémantique des segments de discours qu’il accompagne (e.g. ouvrir et fermer deux doigts en forme de « V » pour représenter une paire de ciseaux).
Un geste arbitraire est un mouvement des mains sans relation entre la forme ou l’incarnation du geste et la signification de la verbalisation (e.g. bouger l’index de haut en bas devant la tête pour représenter une tasse).

Pour les enfants présentant un TDL, les données de la littérature fournissent des données contradictoires. Certaines études ont montré que les indices gestuels ou les gestes iconiques exerçaient une influence positive sur l’apprentissage de nouveaux mots. Cependant, certaines études n’ont trouvé aucun effet des gestes sur l’apprentissage des mots chez les enfants TDL.

De nombreuses différences entre les études pourraient expliquer ces données contradictoires : 1) l’âge des participants, 2) les critères d’inclusion, 3) le plan de l’étude, 4) le paradigme expérimental et 5) les mesures prises.

Un brin de méthodologie

L’objectif de l’étude est d’étudier l’impact des gestes iconiques et arbitraires sur l’apprentissage des mots chez les enfants TDL présentant des difficultés d’apprentissage des mots.

QuestionHypothèse
1Les enfants DT et TDL bénéficieront-ils des gestes pour récupérer les modèles phonologiques nouvellement appris ?Meilleur apprentissage chez les enfants DT et TDL par l’apport de la multimodalité
2Les enfants DT et TDL bénéficieront-ils davantage des gestes iconiques ou arbitraires dans la même tâche d’apprentissage de mots ?Meilleur apprentissage avec les gestes iconiques par le lien étroit entre le geste et la représentation sémantique.
3Les enfants DT et TDL bénéficieront-ils différemment des gestes dans l’apprentissage de mots ?Effet plus important pour les enfants TDL au regard de leurs difficultés persistantes d’apprentissage

Participants : 30 enfants répartis en 3 groupes 

  • TDL sévère (âgés de 6;5 à 10;1 ans)
  • DT appariés sur l’âge chronologique
  • DT appariés sur le niveau lexical

Matériel : Quinze non-mots bisyllabiques CVCV respectant les règles phonotactiques du français et n’étant pas un voisin phonologique d’un mot. Chaque non-mot est associé à un concept familier connu (âge d’acquisition : 3 ans). Chaque paire est assignée de manière randomisée à une des trois conditions : gestes iconiques, gestes arbitraires, absence de gestes. Les catégories sémantiques ont également été contrôlées dans les trois conditions

Procédure : Lors de chaque session expérimentale, l’enfant devait apprendre cinq mots nouveaux (i.e. non-mots), présentés comme des mots de passe utilisés par les Martiens.

L’enfant réalisait trois sessions expérimentales (i.e. une session pour chaque condition) espacées de minimum 2 jours. Chaque session se déroulait de la façon suivante :

Les phases d’entrainement étaient composées de deux tâches semi-standardisées présentées comme un jeu.

Tâche 1 : L’expérimentateur nomme le non-mot deux fois : « Le Martien appelle un chapeau /tuna/ ; un chapeau est un /tuna/ pour le Martien ». Ensuite, l’enfant doit produire le non-mot : la première fois avec une ébauche syllabique et la seconde fois sans indiçage. L’expérimentateur fournit toujours une rétroaction à l’enfant et prononce à nouveau le non-mot. Les cinq non-mots nouveaux sont présentés de la même manière avec un rappel du mot précédent avant l’introduction du suivant.

Tâche 2 : Toutes les paires sont revues à l’aide d’un rappel : 1) désignation du concept à partir du non-mot ; 2) dénomination du non-mot à partir du mot en français Dans chaque cas (réponse correcte, réponse incorrecte ou absence de réponse). L’expérimentateur fournit toujours une rétroaction en rappelant le non-mot et le concept associé. La procédure est identique dans les conditions avec un geste. L’entrée gestuelle est donnée en même temps que le non-mot. Aucune demande n’a été réalisée pour que les participants reproduisent les gestes et aucun d’entre eux ne les a spontanément reproduits pendant les tâches.

Mesures : Pendant la phase de test, l’expérimentateur explique que le Martien vient vérifier si l’enfant a bien appris les mots.

  1. Dénommer le non-mot à partir du mot en français (= 4 points)
  2. En cas d’échec : indiçage avec le geste (= 3 points)
  3. En cas d’échec : indiçage avec la première syllabe (= 2 points)
  4. En cas d’échec : reconnaissance du non-mot parmi un distracteur phonologique et l’un des autres non-mots (= 1 point)

Résultats

Les enfants présentant un TDL obtiennent les mêmes résultats que les enfants appariés selon le niveau lexical mais ils ont des performances moins bonnes que les enfants DT du même âge. Cependant, les gestes iconiques et arbitraires ont un effet bénéfique sur l’apprentissage des mots pour tous les groupes.

Ces résultats confirment l’effet de multimodalité prédit par la théorie du double codage : les gestes donnent des indices visuels/gestuels lors de l’apprentissage des mots permettant une meilleure mémorisation pour les enfants TDL et DT. En revanche, Les données n’ont pas confirmé les résultats des recherches relevant de meilleures performances pour les gestes iconiques par rapport aux gestes arbitraires. Toutefois, dans la présente étude, les participants ont dû apprendre des représentations phonologiques associées à des concepts déjà connus. Cela peut expliquer la moindre importance des caractéristiques sémantiques des gestes dans les conditions de l’expérimentation.

Conclusion

En résumé, les réponses aux questions de recherche sont les suivantes :

QuestionHypothèseRésultats
1Les enfants DT et TDL bénéficieront-ils des gestes pour récupérer les modèles phonologiques nouvellement appris ?Meilleur apprentissage chez les enfants DT et TDL par l’apport de la multimodalité
2Les enfants DT et TDL bénéficieront-ils davantage des gestes iconiques ou arbitraires dans la même tâche d’apprentissage de mots ?Meilleur apprentissage avec les gestes iconiques par le lien étroit entre le geste et la représentation sémantique.
3Les enfants DT et TDL bénéficieront-ils différemment des gestes dans l’apprentissage de mots ?Effet plus important pour les enfants TDL au regard de leurs difficultés persistantes d’apprentissage

Dans mon bureau

√  La multimodalité et, plus précisément, l’utilisation de gestes iconiques ou arbitraires ont le potentiel de favoriser l’apprentissage de nouveaux mots de ma clientèle présentant un TDL. Ces données me permettent d’enrichir ma réflexion sur les procédures d’intervention visant à améliorer les compétences lexicales.

√  Au regard des données actuelles, je considère l’utilisation de gestes pour l’apprentissage de nouveaux mots ou d’autres tâches de mémorisation pour les enfants TDL jusqu’à environ 8 ans.

√ Je pense à communiquer cette information aux enseignants et aux éducateurs tout en veillant à préciser le type de gestes ayant montré un effet positif.

√  Je communique cette information aux parents d’enfants présentant un TDL et je réfléchis à une manière d’introduire cette nouvelle donnée lors des séances d’intervention en accompagnement parental (e.g. lecture partagée).

Référence

Bragard, A. & Schelstraete, M-A. (2023). Using Gestures to Help Children With Developmental Language Disorder in Word Learning. Canadian Journal of Speech-Language Pathology and Audiology, 47 (2).165-175. [En ligne] https://www.cjslpa.ca/detail.php?ID=1332&lang=en

Adolescent, Intervention, Langage - Dév., mathématiques, Préscolaire, Scolaire

L’utilisation des livres illustrés pour l’apprentissage en mathématiques

Titre de l’article

Effects of using picture books in mathematics teaching and learning : A systematic literature review from 2000–2022 (Zhang et al., 2023)

Ce résumé a été rédigé par Pauline Portaz, étudiante en orthophonie à Rennes, et Anne Lafay, orthophoniste et maîtresse de conférences à l’Université Savoie-Mont-Blanc.

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Pourquoi en parler ?

Les livres illustrés renforcent le développement de certaines compétences (par exemple : vocabulaire formel et littéraire, compréhension sémantique, représentations phonologique, morphologique et syntaxique) mais ils ont également le potentiel d’améliorer les compétences en mathématiques. Découvrons les effets de l’utilisation des livres illustrés sur l’apprentissage en mathématiques !

Un brin de méthodologie

Cette revue systématique traite des effets de l’utilisation des livres illustrés sur l’apprentissage en mathématiques.  Sur les 262 résultats obtenus à partir d’une recherche sur trois bases de données, 16 études empiriques publiées entre les années 2000 et 2022 ont été sélectionnées selon la pertinence du sujet, la validité de l’étude, la description des procédures de collecte des données et des outils de mesure, etc.

Résultats

1) Comment les enseignants intègrent-ils ou elles les livres illustrés pour l’apprentissage des mathématiques ?

  • Les enseignants :
    • utilisent la guidance et les questions ouvertes pour approfondir du contenu ;
    • créent un pont entre les éléments de l’histoire et la vie réelle (les activités de classe) ;
    • produisent du « math talk» : ils ou elles organisent des conversations autour du livre et des concepts mathématiques.
  • Les enseignants s’appuient sur les livres illustrés pour :
    • introduire une leçon de mathématiques ou lors de travaux pratiques ;
    • illustrer et représenter de manière concrète les concepts mathématiques ;
    • résumer la leçon et consolider les apprentissages ;
    • évaluer la maîtrise des concepts.

2) Quels sont les effets de l’utilisation des livres illustrés sur les performances mathématiques ?

Les élèves ont une attitude d’apprentissage positive et leur anxiété mathématique est réduite.

Lorsque les enfants de 3 à 6 ans lisent eux-mêmes les nombres de 1 à 20 dans des livres illustrés, une meilleure maîtrise de la lecture et de l’écriture des chiffres est observée. En comparaison avec les enfants n’ayant pas reçu l’enseignement avec les livres illustrés, ces élèves ont de meilleurs résultats académiques (par exemple : mesures de longueurs, reconnaissance visuelle (étude avec des enfants de 5-6 ans), lexique géométrique en compréhension et en production (étude en 6e primaire) et compréhension de la valeur positionnelle des chiffres dans les nombres (étude en 5e primaire)). Les représentations mathématiques, telles que les graphiques et les modèles aident les élèves à mieux comprendre les concepts et à les mettre en relation avec le monde réel. Enfin, ces livres contribuent à un enseignement plus interactif et favorisent l’échange entre l’enseignant et l’élève.

3) Quelles sont les raisons pour lesquelles les enseignants choisissent d’utiliser des livres illustrés ? Au contraire, quels en sont les freins ?

  • Les enseignants en école maternelle ont une opinion plus positive concernant cette approche que les professeurs en école élémentaire (primaire) et du secondaire. En effet, ils ou elles bénéficient d’une plus grande flexibilité dans la planification de leurs enseignements et les jeunes enfants sont plus attirés par les histoires que les plus grands. La plupart du temps, ce sont les enseignants intéressés par l’innovation pédagogique et qui perçoivent les effets de cette approche qui l’appliquent. Les recommandations de l’école ou d’un pair peuvent également influencer positivement l’utilisation de ces livres.

  • Cependant, certains enseignants se montrent plus réticents, ils ou elles ne savent pas comment intégrer les livres illustrés à leurs leçons et ont des doutes concernant les bénéfices de cette méthode. Ils ou elles expliquent que la recherche de livres illustrés pertinents pour la leçon étudiée est chronophage et complexe et que les livres sont coûteux.

Conclusion

Les articles sélectionnés pour cette étude ciblent majoritairement l’enseignement des mathématiques en maternelle et en élémentaire (au primaire); très peu d’études concernent l’enseignement des mathématiques dans le secondaire.

Dans mon bureau

√  Je garde en mémoire qu’il est essentiel d’échanger autour des mathématiques avec mes patients.

√  Je pratique la lecture partagée avec des livres illustrés pour développer les compétences mathématiques des jeunes enfants.

√  J’encourage les parents à proposer des lectures et des discussions mathématiques avec des livres illustrés à la maison.

√  J’encourage les enseignants à proposer des lectures et des discussions mathématiques avec des livres illustrés dans leur classe.

√  Je crée des activités et j’organise des évènements qui ont pour objectif de promouvoir la lecture de livres illustrés même dans le cadre de l’apprentissage en mathématiques.

√  Je m’inscris dans des groupes de partage d’informations sur ce sujet.

Référence

Zhang, Q., Sun, J., & Yeung, W. (2023). Effects of using picture books in mathematics teaching and learning : A systematic literature review from 2000–2022. Review of Education, 11(1), e3383. https://doi.org/10.1002/rev3.3383

Adolescent, EBP, Gratuités, Intervention, Langage - Dév., Parole, Préscolaire, Scolaire, trouble développemental du langage

Accès libre : Cours d’intervention en langage oral

Si vous rêvez de retourner sur les bancs de l’université pour suivre des cours (sans avoir à faire les évaluations !), c’est votre chance !

D’octobre 2023 à janvier 2024, Guillaume Duboisdindien et Julie Cattini déposeront gratuitement sur la plateforme VIMEO le contenu des cours d’intervention en langage oral destiné aux étudiants en Master 1 orthophonie de l’Université de Bretagne Occidentale (Brest). En tout, c’est 20 heures de vidéo qui seront partagés ponctuellement à partir du 2 octobre 2023.

INSCRIPTION
Compléter ce formulaire. Date limite pour s’inscrire : 30 septembre 2023. Les adresses courriel seront utilisées uniquement dans le but de transmettre les informations demandées.

Vidéo de présentation du cours

ENSEIGNANTS
Guillaume Duboisdindien : orthophoniste, Ph.D., M.Sc., C.C.O. Chercheur postdoctoral Québec, Canada.
Centre de recherche du CHU de Québec – Département des sciences neurologiques – Université Laval, Québec, Canada.
Chercheur associé, UMR 8163 – STL – Savoirs Textes Langage, Université de Lille, Lille, France.

Julie Cattini : orthophoniste, M.Sc. Luxembourg-ville, Luxembourg.
Collaboratrice scientifique, Clinique Psychologique & Logopédique Universitaire (CPLU), Université de Liège, Liège, Belgique.

Code de la Propriété intellectuelle (CPI) : Toute reproduction ou utilisation externe d’éléments, tels que des images, des graphiques, des sons, ou des textes, dans d’autres publications électroniques ou imprimé, ou exécution publique, est interdite sans l’agrément des auteurs. Merci de consulter ces contenus avec précaution et respect.

Adolescent, Adulte, CAA, Intervention, Préscolaire, Scolaire

Comment les principes d’apprentissage moteur contribuent à la communication alternative et améliorée (CAA)

Titre de l’article

An exploration of motor learning concepts relevant to use of speech-generating devices (Elena Dukhovny & Jennifer J. Thistle, 2019)

*Ce résumé est rédigé par Floriane Olivier, orthophoniste, et Julie Paquet, enseignante en adaptation scolaire et sociale. Floriane et Julie ont une expertise en communication alternative et améliorée qu’elles partagent sur leur site Ça dit ça. Vous pouvez aussi suivre leur projet sur leur groupe Facebook. Un énorme merci à Floriane et Julie pour leur contribution à Tout cuit dans le bec 😃 !

Qu’est-ce que la Communication Alternative et Améliorée?

La Communication Alternative et Améliorée (CAA) désigne toutes les façons dont un individu communique, en dehors de la parole. Elle repose sur une variété de techniques et d’outils, visant à soutenir les personnes présentant des difficultés de communication dans l’expression de leurs idées (d’après l’ASHA, Elsahar & al., 2019, et Porter, 1997).

Quel est le lien entre la CAA et l’apprentissage moteur?

À force de répéter un mouvement ou une séquence de mouvements, on devient plus précis et plus rapide dans l’exécution de ces derniers. Par mouvement, on peut penser au fait de se brosser les dents, de jouer du piano ou de sélectionner une icône sur son appareil de CAA !

Bien que les élèves québécois qui en ont besoin puissent bénéficier d’équipements technologiques via des mesures gouvernementales pour soutenir leur communication, ces outils sont souvent abandonnés en raison d’un manque de généralisation au quotidien.

En connaissant davantage les principes de l’apprentissage moteur, il est possible de favoriser l’utilisation des outils de CAA à long terme :  quand l’appareil de CAA est utilisé plus rapidement par l’élève, on augmente les chances que son utilisation soit généralisée au quotidien.

Les stades de l’apprentissage moteur

Dans leur article, Dukhovni et Thistle décrivent l’apprentissage moteur selon trois stades présentés dans cette section :

1. Phase cognitive (initiale)

À ce stade, on effectue le mouvement ou la séquence de mouvements pour les premières fois. Nos gestes sont lents et imprécis et toute notre attention est sollicitée dans leur exécution : notre effort est conscient.

Il est recommandé au stade initial de l’apprentissage moteur, de consacrer du temps à l’exploration active de l’appareil de communication par l’utilisateur, même si on ne perçoit pas nécessairement d’intention de communication. En effet, ceci permet à l’apprenant de se familiariser avec l’emplacement de son vocabulaire, qui lui servira au fur et à mesure à communiquer de façon plus fluide.

2. Phase associative (intermédiaire)

Dans le domaine de la CAA, un utilisateur se situe à cette étape lorsqu’il commence à repérer globalement la zone dans laquelle se trouve l’icône qu’il recherche, mais qu’il hésite sur son emplacement exact. Il dirige son doigt dans la bonne direction mais doit encore procéder à une recherche visuelle dans la zone ciblée pour localiser et activer l’icône voulue. Il sera courant à cette étape, que les erreurs de l’utilisateur consistent à activer une icône à proximité de la cible.

3. Phase autonome (finale)

Au dernier stade de l’apprentissage moteur, on peut exécuter le mouvement ou la séquence de mouvements pratiquement sans y penser, comme lorsque vous composez un message sur votre téléphone portable ou que vous écrivez un texte à l’ordinateur (et que vous avez l’habitude de le faire !). Vos doigts rejoignent les bonnes touches, sans que vous ayez besoin de les regarder.

Ce niveau d’automaticité est cependant rarement atteint par les utilisateurs de CAA, tel que le mentionnent les auteurs. Une des explications possibles est le manque d’entraînement. Ceci nous conforte dans l’idée que l’implication de tous les partenaires de communication est primordiale, dans la mise en place d’un outil de CAA.

Les facteurs qui influencent l’apprentissage moteur

Différents facteurs favorisent l’apprentissage moteur. Ces facteurs sont listés ci-dessous. Si vous souhaitez en apprendre davantage, nous vous invitons à aller lire l’article complet du site Ça dit ça.

1. L’entraînement
Les auteurs présentent plusieurs types de pratique, qui diffèrent en fonction de leur fréquence, de leur durée, de leur variabilité et de leur approche globale ou partielle. Le bon dosage de ces paramètres dans l’entraînement a un impact, à chaque étape de l’apprentissage moteur.

  • La pratique distribuée
  • La pratique en masse
  • La pratique aléatoire
  • La pratique en bloc
  • La pratique globale
  • La pratique partielle

2. L’objectif de la tâche

3. La rétroaction

Finalement, même avec beaucoup de modélisation et de pratique, les auteurs rappellent que les progrès dans le domaine de l’apprentissage moteur peuvent se produire par à-coups, si bien qu’on peut observer des plafonds chez certains utilisateurs, après une belle évolution. Il est néanmoins possible qu’ils soient encore en train d’acquérir de nouvelles compétences (Muratori et al., 2013).

Sachant ceci, nous pouvons encourager les partenaires de communication à persévérer, même lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur de la stimulation fournie. Au-dessus du plafond peut se trouver un étage supplémentaire, et il faut laisser le temps à l’utilisateur de trouver et de grimper les escaliers !

Dans mon bureau

J’ai en tête les différents stades de l’apprentissage moteur :

√ Au premier stade (phase cognitive), j’encourage l’exploration active : même si les activations sont hasardeuses et que l’intention de communication ne semble pas toujours présente, elles permettent à l’utilisateur de se familiariser avec son nouvel outil.

Je repère le deuxième stade (phase associative), lorsque l’utilisateur commence à se diriger dans la bonne zone sur l’écran, même s’il commet des erreurs d’activation, et qu’il commence à s’auto-corriger.

Au dernier stade (phase autonome), l’utilisateur peut activer une séquence de messages, sans perdre de temps à les chercher visuellement. Afin de soutenir l’apprentissage moteur, je m’assure d’avoir une vision pour aujourd’hui et pour le futur, lorsque je crée ou modifie des grilles de communication dans l’outil technologique d’un utilisateur, en évitant de modifier l’emplacement des symboles, lorsque j’en ajoute de nouveaux (il est préférable de proposer des grilles contenant potentiellement plus d’icônes, que l’on masquera au début de l’entraînement).

Si vous souhaitez en apprendre plus sur la planification motrice, vous pouvez consultez ces deux publications sur le site Ça dit ça :

Je tiens compte des facteurs favorisant l’apprentissage moteur :

Je sensibilise l’entourage (famille, école) à la nécessité d’une utilisation quotidienne et fréquente de l’appareil, pour favoriser l’apprentissage.

J’encourage des périodes d’entraînement fréquentes et de courte durée (pratique distribuée). Par exemple : je profite de différents moments tout au long de la journée, pour stimuler l’utilisation de l’appareil de CAA sur une courte période (activer des mots pour commenter quelque chose, pour poser ou répondre à une question, pour choisir, pour refuser, etc.).

Je privilégie un entraînement “en bloc” pour l’apprentissage ou la consolidation d’une nouvelle séquence motrice, et un entraînement “aléatoire” pour la généraliser.

  • Pratique en bloc : je suscite la production d’un nouveau mot à plusieurs reprises dans une activité (lors de l’introduction du mot interrogatif “où”, je peux choisir une histoire dans laquelle ce mot revient souvent, comme le livre “Où est Spot, mon petit chien ?” ou encore, proposer une partie de “Cherche et trouve”, qui permettront de modéliser et d’activer plusieurs fois le mot-cible, en quelques minutes).
  • Pratique aléatoire : au moment de la collation, tout en modélisant et en créant des opportunités de produire différents mots (ex.: encore, vouloir, pas, aimer, bon, banane, biscuit, verre, etc.), je crée des occasions de stimuler le mot-cible “où” en cherchant des ustensiles ou des items dont l’utilisateur a besoin pour manger, ou pour savoir “où” il veut s’installer pour prendre sa collation, etc.

√ J’enseigne les séquences motrices par étapes à l’utilisateur. Par exemple : je n’exige pas de l’utilisateur qu’il effectue tout le chemin depuis la page d’accueil jusqu’à l’icône recherchée, tant qu’il n’en est pas encore capable. Je l’encourage à amorcer la séquence ou à la finaliser, et je l’aide, lorsqu’il en a besoin.

√ J’encourage l’utilisation de l’appareil de CAA dans des situations de communication motivantes. Par exemple : l’activation de l’icône “encore” va permettre à l’utilisateur d’obtenir la répétition d’une action ou l’obtention de quelque chose qu’il a aimé précédemment ou bien, l’activation d’une icône contenant un message pré-enregistré (ex.: blague ou taquinerie) va lui permettre d’obtenir de l’attention et des réactions positives de la part de l’interlocuteur.

√ J’encourage les tentatives de communication de l’utilisateur, à travers une rétroaction fréquente et cohérente. Par exemple : lorsque l’utilisateur prête un intérêt à son appareil de CAA ou qu’il active un message, je réponds à son intention, je lui donne du sens, je l’enrichis à travers un message supplémentaire, etc.

Je me souviens que l’apprentissage moteur se fait par à-coups et qu’il est normal d’observer des plafonds temporaires, malgré un entraînement régulier. Ceci m’aide à rester prudent(e) dans mes pronostics et recommandations. J’en informe les autres partenaires de communication de l’utilisateur, afin qu’ils ne se découragent pas !

Référence complète :

Dukhovny, E. & Thistle, J., (2019). An exploration of motor learning concepts relevant to use of speech-generating devices, Assistive Technology, 31:3, 126-132 https://doi.org/10.1080/10400435.2017.1393845

Autres articles et ressources cités :

American Speech-Language-Hearing Association (ASHA). (n.d.a). Augmentative and alternative communication. ASHA. https://www.asha.org/practice-portal/professional-issues/augmentative-and-alternativecommunication/

American Speech-Language-Hearing Association (ASHA). (n.d.a). Augmentative and alternative communication. ASHA. https://www.asha.org/public/speech/disorders/aac/

Elsahar, Y., Hu, S., Bouazza-Marouf, K., Kerr, D., & Mansor, A. (2019). Augmentative and alternative communication (AAC) advances: A review of configurations for individuals with a speech disability. Sensors, 19(8), 1911. https://doi.org/10.3390/s19081911

Porter G. (1997) Integrating AAC into programs applying the principles of conductive education. Conduct Educ News. 12:2–8.