Adolescent, Intervention, Langage - Dév., mathématiques, Préscolaire, Scolaire

L’utilisation des livres illustrés pour l’apprentissage en mathématiques

Titre de l’article

Effects of using picture books in mathematics teaching and learning : A systematic literature review from 2000–2022 (Zhang et al., 2023)

Ce résumé a été rédigé par Pauline Portaz, étudiante en orthophonie à Rennes, et Anne Lafay, orthophoniste et maîtresse de conférences à l’Université Savoie-Mont-Blanc.

Image par Freepik

Pourquoi en parler ?

Les livres illustrés renforcent le développement de certaines compétences (par exemple : vocabulaire formel et littéraire, compréhension sémantique, représentations phonologique, morphologique et syntaxique) mais ils ont également le potentiel d’améliorer les compétences en mathématiques. Découvrons les effets de l’utilisation des livres illustrés sur l’apprentissage en mathématiques !

Un brin de méthodologie

Cette revue systématique traite des effets de l’utilisation des livres illustrés sur l’apprentissage en mathématiques.  Sur les 262 résultats obtenus à partir d’une recherche sur trois bases de données, 16 études empiriques publiées entre les années 2000 et 2022 ont été sélectionnées selon la pertinence du sujet, la validité de l’étude, la description des procédures de collecte des données et des outils de mesure, etc.

Résultats

1) Comment les enseignants intègrent-ils ou elles les livres illustrés pour l’apprentissage des mathématiques ?

  • Les enseignants :
    • utilisent la guidance et les questions ouvertes pour approfondir du contenu ;
    • créent un pont entre les éléments de l’histoire et la vie réelle (les activités de classe) ;
    • produisent du « math talk» : ils ou elles organisent des conversations autour du livre et des concepts mathématiques.
  • Les enseignants s’appuient sur les livres illustrés pour :
    • introduire une leçon de mathématiques ou lors de travaux pratiques ;
    • illustrer et représenter de manière concrète les concepts mathématiques ;
    • résumer la leçon et consolider les apprentissages ;
    • évaluer la maîtrise des concepts.

2) Quels sont les effets de l’utilisation des livres illustrés sur les performances mathématiques ?

Les élèves ont une attitude d’apprentissage positive et leur anxiété mathématique est réduite.

Lorsque les enfants de 3 à 6 ans lisent eux-mêmes les nombres de 1 à 20 dans des livres illustrés, une meilleure maîtrise de la lecture et de l’écriture des chiffres est observée. En comparaison avec les enfants n’ayant pas reçu l’enseignement avec les livres illustrés, ces élèves ont de meilleurs résultats académiques (par exemple : mesures de longueurs, reconnaissance visuelle (étude avec des enfants de 5-6 ans), lexique géométrique en compréhension et en production (étude en 6e primaire) et compréhension de la valeur positionnelle des chiffres dans les nombres (étude en 5e primaire)). Les représentations mathématiques, telles que les graphiques et les modèles aident les élèves à mieux comprendre les concepts et à les mettre en relation avec le monde réel. Enfin, ces livres contribuent à un enseignement plus interactif et favorisent l’échange entre l’enseignant et l’élève.

3) Quelles sont les raisons pour lesquelles les enseignants choisissent d’utiliser des livres illustrés ? Au contraire, quels en sont les freins ?

  • Les enseignants en école maternelle ont une opinion plus positive concernant cette approche que les professeurs en école élémentaire (primaire) et du secondaire. En effet, ils ou elles bénéficient d’une plus grande flexibilité dans la planification de leurs enseignements et les jeunes enfants sont plus attirés par les histoires que les plus grands. La plupart du temps, ce sont les enseignants intéressés par l’innovation pédagogique et qui perçoivent les effets de cette approche qui l’appliquent. Les recommandations de l’école ou d’un pair peuvent également influencer positivement l’utilisation de ces livres.

  • Cependant, certains enseignants se montrent plus réticents, ils ou elles ne savent pas comment intégrer les livres illustrés à leurs leçons et ont des doutes concernant les bénéfices de cette méthode. Ils ou elles expliquent que la recherche de livres illustrés pertinents pour la leçon étudiée est chronophage et complexe et que les livres sont coûteux.

Conclusion

Les articles sélectionnés pour cette étude ciblent majoritairement l’enseignement des mathématiques en maternelle et en élémentaire (au primaire); très peu d’études concernent l’enseignement des mathématiques dans le secondaire.

Dans mon bureau

√  Je garde en mémoire qu’il est essentiel d’échanger autour des mathématiques avec mes patients.

√  Je pratique la lecture partagée avec des livres illustrés pour développer les compétences mathématiques des jeunes enfants.

√  J’encourage les parents à proposer des lectures et des discussions mathématiques avec des livres illustrés à la maison.

√  J’encourage les enseignants à proposer des lectures et des discussions mathématiques avec des livres illustrés dans leur classe.

√  Je crée des activités et j’organise des évènements qui ont pour objectif de promouvoir la lecture de livres illustrés même dans le cadre de l’apprentissage en mathématiques.

√  Je m’inscris dans des groupes de partage d’informations sur ce sujet.

Référence

Zhang, Q., Sun, J., & Yeung, W. (2023). Effects of using picture books in mathematics teaching and learning : A systematic literature review from 2000–2022. Review of Education, 11(1), e3383. https://doi.org/10.1002/rev3.3383

Gratuités, Intervention, Préscolaire

13 principes pour travailler les inférences

Titre de l’article

A randomized controlled trial of an oral inferential comprehension intervention for young children with developmental language disorder (Dawes et coll., 2019)

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pexel.com

Pourquoi en parler ?

Parce que la capacité à faire des inférences est essentielle tant pour la lecture que pour la compréhension des situations sociales, que c’est une difficulté fréquente chez les enfants qui ont des difficultés de langage et qu’elle arrive plus tôt qu’on le croit (dès 3 ans, les enfants typiques sont capables de réaliser des d’inférences).

Un brin de méthodologie

Les enfants avaient tous un trouble développemental du langage (TDL) (n = 37, 27 garçons et 10 filles) et avaient en moyenne 5 ans et 5 mois. Deux groupes ont été formés de manière randomisée. Le premier groupe a reçu une intervention ciblant la compréhension des inférence et le deuxième groupe, la conscience phonologique.

Les participants ont tous été évalué à trois reprises : avant et après l’intervention ainsi que 8-9 semaines après la fin de l’intervention (phase de maintien) à l’aide d’outils comme le Narrative Comprehension Assesment, le Primary Inventory of Phonological Awareness. Les deux dernières évaluations ont été réalisés par des assistants qui ne connaissaient pas quelle intervention l’enfant avait reçue.

Dans le premier groupe, l’intervention a été réalisée avec quatre livres. Chaque livre était lu 2 fois par semaine, pendant 2 semaines (4 lectures pour chaque livre). L’intervention a duré 8 semaines en petits groupes de 3 à 4 enfants et chaque rencontre durait 30 minutes. Chaque session était scriptée afin de respecter ces 13 principes :

1. Se concentrer sur le discours narratif (macro et microstructure), sur le rappel de récit fait par les enfants et sur la compréhension narrative littérale et inférentielle.

2. Utiliser la lecture dialogique avec des questions littérales et inférentielles intégré pendant la lecture.

3. Utiliser des questions inférentielles ouvertes pour inciter les enfants à réfléchir et discuter de l’histoire.

4. Intégrer des questions et des discussions qui font appel à la théorie de l’esprit : prédire ce que le personnage va penser, comment il se sent, ce qu’il va faire en lien avec ses expériences passées, etc.

5. Penser soi-même à voix haute afin d’être un modèle pour les enfants (Je pense que… Je me demande…).

6. Faire des liens entre l’histoire et les expériences personnelles des enfants.

7. Parler des éléments d’un récit, de ce qui fait une « bonne histoire » (conscience narrative) et inciter les enfants à écouter leur résumé et le résumé des autres enfants afin de voir si tous ces éléments sont présents.

8. Utiliser l’étayage verbal afin d’aider les enfants à répondre aux questions inférentielles : rephraser notre question, donner des indices sémantiques, etc.

9. Utiliser des éléments visuels et créer une carte de l’histoire afin d’aider les enfants à comprendre, à se souvenir et à redire l’histoire.

10. Maintenir l’attention des enfants sur les inférences en leur indiquant clairement l’objectif de chaque rencontre et en les avertissant lorsqu’une inférence est effectuée.

11. Utiliser des livres avec des histoires bien structurées, des émotions, du vocabulaire plus rare afin d’exposer les enfants au langage littéraire et discuter des mots du deuxième tiers.

12. Utilise des stratégies afin d’intéresser les enfants à la lecture (ton de voix, expression faciale, équilibre entre les commentaires et les questions,…).

13. Lire la même histoire à plusieurs reprises.

Résultats et discussion

Compréhension inférentielle

Les enfants qui ont reçu l’intervention ciblant les inférences se sont améliorés significativement entre le pré-test et le post-test et entre le pré-test et la phase de maintien. Les enfants qui ont reçu l’intervention en conscience phonologique ont eu un score similaire lors des trois évaluations.

Compréhension littérale

Les deux groupes se sont améliorés au même rythme entre le pré-test et le post-test et ils ont maintenu leurs gain lors de la phase de maintien.

*3 enfants ont eu peu ou pas d’amélioration. Les auteurs indiquent que ces enfants étaient moins attentifs lors de l’histoire et cela peut avoir limiter leur apprentissage.

Dans mon bureau

√ Je remplace le matériel que j’utilise pour travailler les inférences par des livres puisque plusieurs études ont démontré leur efficacité.

√ Dans les livres que je possède déjà, j’identifie ceux qui peuvent servir lors des thérapies qui ciblent la compréhension des inférences. Les meilleurs livres sont ceux qui respectent les critères du principe #11 (voir ci-haut).

√ Je vais lire le détail de l’intervention pour pouvoir m’en inspirer pour mes propres thérapies. Tout est disponible ici (p.147- 151) !

√ Pour les enfants pour qui c’est pertinent, j’intègre à mon plan d’intervention un objectif qui cible les inférences puisque c’est une habiletés très importante pour la compréhension orale et écrite.

√ Je planifie mes interventions en intégrant les 13 principes présentés dans le tableau 2 de l’article (tous traduits et présentés plus haut) et, en détails, ici (p.133-145).

√ Je considère l’option de reprendre le même format d’intervention que celui présenté ci-haut avec des sous-groupe de 3-4 enfants pour des interventions de 30 minutes 2 fois par semaine.

Référence complète

Dawes, E., Leitão, S., Claessen, M., & Kane, R. (2019). A randomized controlled trial of an oral inferential comprehension intervention for young children with developmental language disorder. Child Language Teaching and Therapy, 35(1), 39–54. https://doi.org/10.1177/0265659018815736

 

Gratuités, Intervention, Préscolaire, Scolaire

Vous travaillez les inférences ? Voici quelques moyens qui fonctionnent !

Titre de l’article

Fostering literal and inferential language skills in Head Start preschoolers with language impairment using scripted book-sharing discussions (Van Kleeck, Vander Woude, & Hammett, 2006)

Pourquoi on s’y intéresse ?

La compréhension des inférences (langage non littéral ou informations non dites explicitement dans le texte ou les images) est un des objectifs les plus fréquemment travaillés en intervention auprès d’enfants présentant des TDL.

Il est logique (et efficace) de travailler la compréhension des inférences dans le même contexte que celui dans lequel les enfants seront amenés à utiliser cette habileté ultérieurement (c.-à-d., en compréhension de textes, en lecture de livres) (Van Kleeck, et al., 2006). La lecture partagée est un des seuls contextes dans lequel on rencontre une panoplie d’inférences de toutes sortes. En contexte de lecture d’histoire, la compréhension des inférences a un but communicatif réel: elle permet d’améliorer la compréhension de l’histoire dans son ensemble (est-ce que tu sais ça veut dire quoi « gambader » ? Qu’est-ce que tu crois qu’il va décider de faire le personnage ? Comment tu crois qu’il se sent l’ours maintenant que ses amis sont partis ? Pourquoi tu crois qu’il est parti à cet endroit ?). Pourtant, combien d’entre-nous utilisons des livres d’histoire pour travailler les inférences ? 

Cet article mesure l’efficacité d’une intervention répétée en lecture partagée, visant à améliorer la compréhension du langage littéral (p.ex., identifier des informations directement présentées: C’est qui lui ? Il fait quoi le personnage ? Avec quoi il construit sa maison ?) et la compréhension des inférences (discussions qui vont au-delà de l’information directement disponible dans le texte ou sur les images) d’enfants d’âge préscolaire. Une thérapie deux-pour-un efficace, qui est détaillée dans ce billet.

Un brin de méthodologie

  • Participants: 30 enfants âgés entre 3 et 5 ans, en difficulté de langage (1.5 écart-type sous la norme), issus du programme Américain Head-Start pour enfants en contexte de vulnérabilité sociale. La moitié d’entre eux ont participé à l’intervention, et l’autre moitié faisaient partie du groupe de comparaison (contrôle, sans intervention).
  • Mesures pré/post-test: L’EVIP pour la compréhension du langage littéral (P.ex., C’est quoi/qui ça ? Qu’est-ce qui se passe sur l’image ici ?) et le Preschool Language Assessment Instrument (PLAI) pour le langage littéral (vocabulaire et compréhension de questions) ET la compréhension des inférences (p.ex., il va arriver quoi au monsieur s’il ferme son parapluie ? Ça veut dire quoi « gambader » tu crois ?).

Intervention avec le livre d’histoire : Comment les inférences ont été travaillées ? 

  • Deux livres d’histoires ont été choisis. Trois scripts composés de 25 questions chacun ont été créés pour chaque livre. Pour un exemple du script présenté aux enfants, se référer à l’annexe dans l’article original. L’intervention avec un livre durait 15 minutes, deux fois par semaine, pendant 8 semaines.
  • L’adulte posait des questions à l’enfant, et faisait de l’étayage verbal (« penser tout haut ») en suivant les scripts. Les questions ciblaient la compréhension du langage littéral en plus de la compréhension des inférences (information non dites). Lorsque les enfants étaient incapables de répondre, des indices et du soutien additionnel étaient offerts. Si les enfants ne répondaient toujours pas aux questions, les réponses attendues étaient modelées par l’adulte sous forme de discussion naturelle ou étayage verbal, faisant aussi partie du texte scripté.
  • Exemple d’étayage verbal : je pense que ce sera l’histoire d’un loup dans une forêt, parce que le titre de l’histoire c’est « Loup Loup, y es-tu ? » et sur l’image je vois une forêt avec plein d’arbres / Regarde, le garçon moi je pense qu’il est vraiment en colère parce qu’il crie « VA-T’EN » et il a les bras croisés, et son visage est tout rouge / Il va peut-être aller regarder dans la caverne pour retrouver son ami ? / Oh oh le garçon est parti avec son vélo dans la montagne, mais son père lui avait dit de ne pas y aller, c’est peut-être dangereux…je pense que son père ne sera pas très content). Le niveau de complexité peut augmenter graduellement, en posant des questions à choix à l’enfant (…tu penses qu’il sera fâché ou content le père?) ou ouvertes (…comment penses-tu que le père va se sentir ?)
  • Note: Dans cette étude portant sur les enfants d’âge préscolaire, l’adulte exposait l’enfant à ces stratégies via des questions, des commentaires, de l’étayage verbal (l’adulte parlait tout haut de ce à quoi il réfléchit), et des discussions avec l’enfant à différents moments pendant l’histoire. L’enfant ne faisait donc qu’observer et écouter l’adulte présenter des informations et des questions qui permettent de soutenir la compréhension de l’histoire. Si on s’adressait à des enfants d’âge scolaire, ceux-ci pourraient eux-mêmes utiliser les stratégies consciemment pour inférer et soutenir leur compréhension d’histoires (p.ex., en répondant à différentes questions avant, pendant et suite à la lecture d’une histoire).

Résultats et limites

  • Après 8 semaines d’intervention, les enfants ayant reçu les interventions en lecture partagées se sont améliorés pour le langage littéral (vocabulaire réceptif) et pour la compréhension d’inférences. Aucune amélioration significative n’a été observée chez les enfants n’ayant pas reçu d’intervention.
  • L’amélioration de la compréhension des inférences était moins importante cliniquement (taille d’effet moindre) que l’amélioration de la compréhension du langage littéral (vocabulaire). Ceci était attendu, comme 70% des questions des scripts portaient sur le langage littéral et 30% sur les inférences. Les habiletés d’inférences sont également dépendantes du niveau de langage littéral (les enfants doivent avoir une bonne base langagière pour pouvoir faire des inférences). Une intervention de plus longue durée pourrait permettre un travail plus en profondeur des inférences, comme ces habiletés sont plus complexes pour tous les enfants (TDL ou pas!).
  • Le groupe contrôle n’était exposé à aucune intervention sur les livres, l’amélioration mesurée pourrait donc être simplement attribuable au fait d’être exposé à des périodes de lectures partagées, et non à l’utilisation des scripts spécifiquement. Le maintien de ces améliorations à long terme n’a pas été mesuré.
  • Conclusion: la lecture partagée (et répétée) des mêmes livres, en introduisant des questions qui ciblent le langage littéral et les inférences peuvent améliorer ces deux habiletés de compréhension du langage chez des enfants présentant un TDL.

Dans mon bureau…(il sera long aujourd’hui!)

  • Pour travailler les inférences de façon efficace/généralisable, il ne suffit pas de lire des livres d’histoire. Il faut enseigner explicitement aux parents les techniques et stratégies permettant d’utiliser les livres d’histoire pour travailler la compréhension des inférences (langage non littéral). Quelques façons de travailler la compréhension des inférences lors de la lecture d’histoires: faire de l’étayage verbal pendant l’histoire (voir exemples dans la méthodologie), faire des synthèses, prédire, évaluer et juger (sentiments, actions des personnages), faire des liens entre les informations de l’histoire et les connaissances ou expériences antérieures de l’enfant.
  • Si seulement on avait des scripts en français…! Nous en avons 🙂 ! Voir notre billet intitulé « Une autre raison d’intégrer les livres aux thérapies ». Je télécharge les scripts utilisés dans cette recherche menée au Québec, et disponibles gratuitement en ligne pour m’inspirer, me donner des idées ou même en reprendre certains textuellement si je possède déjà les livres. Un énorme merci aux chercheurs de l’équipe de Chantal Desmarais pour cette générosité !! Vous pouvez également créer vos propres scripts pour des livres que vous aimez pour travailler les inférences.
  • La lecture partagée d’histoires est un contexte authentique et optimal pour les interventions sur le langage des enfants (je vous épargne la longue liste de références, mais entre autres: Cole, Maddox, & Lim, 2006; Snow & Goldfield, 1983; Wasik & Bond, 2001). Son efficacité pour travailler le vocabulaire, les inférences, et  la compréhension du langage n’est plus à démontrer. Il faut ajouter de bons livres d’histoires à nos mathériathèques, et les utiliser sans réserve en thérapie ciblant le langage oral des enfants. Personnellement, je trouve que c’est une activité beaucoup plus facile à reprendre par le parent à la maison (suite à du coaching pour le choix des meilleurs techniques à utiliser lors de la lecture).
  • Je fais le tour de ma matériathèque et je remplace donc les cartes et autres images isolées destinées à travailler les inférences (p.ex., pourquoi elle est contente la fille ?  image d’une fille qui a pêché un énorme poisson) par des livres. Puisque le livre (bonifié de questions ciblant différents types d’inférences tout au long du récit) est le matériel avec le plus haut niveau d’efficacité, c’est ce type d’intervention que nous devons utiliser. Malgré que le matériel de type « cartes isolées » soit très répandu, à ce jour, nous n’avons trouvé aucun article qui étudie l’efficacité des cartes isolées pour travailler les inférences.
  • La majorité des livres qui présentent une structure narrative typique sont un coffre au trésor d’inférences, il suffit de bien les choisir et de découvrir nos favoris: quels sont vos livres favoris pour travailler la compréhension des inférences ?

Référence complète

Van Kleeck, A., Vander Woude, J., & Hammett, L. (2006). Fostering literal and inferential language skills in Head Start preschoolers with language impairment using scripted book-sharing discussions. American Journal of Speech-Language Pathology, 15(1), 85-95.

Pour l’article francophone de Desmarais et al. détaillant l’intervention en français, et disponible gratuitement en cliquant sur la référenceDesmarais, C., Nadeau, L., Trudeau, N., Filiatrault-Veilleux, P., Maxès-Fournier, C. (2013) Effet d’une intervention visant à améliorer la compréhension inférentielle des enfants de 4 à 6 ans ayant une dysphasie: une collaboration orthophonistes chercheurs. Glossa, 113, 45-62.

Préscolaire, Scolaire, Vos questions

Les inférences : Cours 101

Préscolaire, Scolaire

Des milliers de mots à lire et à comprendre

VocabTitre de l’article : Review of the Current Research on Vocabulary Instruction (National Reading Technical Assistance Center, 2010)

Pourquoi on s’y intéresse ? : Parce qu’on sait qu’il ne suffit pas de connaître les lettres et de pouvoir lire le mot pour comprendre un texte, il faut aussi savoir ce que le mot signifie ! Parce que le vocabulaire est la base de plusieurs autres aspects du langage et qu’il est souvent difficile d’intervenir sur cette composante dans notre bureau lorsqu’on voit l’enfant une fois par semaine. La compréhension des textes écrits s’appuie sur les connaissances de l’enfant en langage oral. L’enfant apprend d’abord la signification d’une tonne de mots qu’il pourra ensuite lire =)

Un brin de méthodologie : Cet article fait un survol des recherches publiées en lien avec l’intervention pour enrichir le vocabulaire des enfants, et ainsi faciliter leur compréhension en lecture. L’étude a interrogé les bases de données ERIC et PsycInfo de 2002 à 2009 avec les mots-clés « reading » et « vocabulary », « vocabulary development » ou « oral language development ». Des 324 articles trouvés, les auteurs en ont retenus 14 dont les résultats et conclusions sont résumées dans l’article. Les critères de sélection des études portaient entre autre sur l’essai d’une intervention dans l’étude et la parution de l’étude dans un journal révisé par les pairs. Les 14 études convergent vers 3 stratégies efficaces pour enseigner du nouveau vocabulaire.

Résultats  : 

1. Fréquence d’exposition aux nouveaux mots :

Une plus haute fréquence d’exposition aux mots serait bénéfique à la rétention du sens du nouveau vocabulaire. Certaines études indiquent clairement que la relecture des histoires est loin d’être un temps perdu, particulièrement avec les enfants à risque de présenter des difficultés de lecture. La relecture d’histoire est une pratique tout à fait recommandée pour les enfants en difficulté. Une étude indiquerait aussi, qu’autour de 8 ans, la quantité d’exposition nécessaire pour apprendre des nouveaux mots est la même pour les enfants en difficulté que pour les enfants avec un développement normal s’il s’agit de se souvenir de la forme du mot (quelle suite de sons forment le mots). Les enfants avec des difficultés de vocabulaire auraient par contre besoin de plus d’exposition pour retenir la signification du mot.

2. Enseignement explicite : 

L’enseignement explicite est aussi reconnu comme étant une mesure efficace pour développer le vocabulaire des enfants. En opposition à l’apprentissage implicite qui a cours lorsque l’enfant entend un mot et qu’il déduit sa signification, l’enseignement explicite a lieu lorsque l’enseignant donne la définition du mot, qu’il pointe l’objet (s’il y a lieu) sur l’image, qu’il le réutilise dans plusieurs phrases pour aider les élèves à construire une représentation complète de ce mot. Tout de suite après la période d’enseignement, les élèves auraient appris aussi facilement les mots qu’ils soient présentés les uns après l’autre au tableau ou qu’ils soient dans un texte où on leur enseigne des stratégies pour découvrir la signification du mot selon l’environnement écrit dans lequel il se trouve. Toutefois, en post-test 3 mois plus tard, l’enseignement des mots dans un texte avec des stratégies serait plus bénéfique : ces élèves comprendraient mieux les textes contenant les mots enseignés que l’autre groupe et ils seraient capable d’appliquer les stratégies utilisées à d’autres mots.

3. Questionnement et lien avec le langage

Les commentaires et les questions sont aussi des bons moyens d’enseigner le nouveau vocabulaire. La profondeur des connaissances sur le mot se développe plus facilement lorsque les questions sont progressivement plus complexes pour s’ajuster au niveau de connaissances des enfants. De plus, les enfants apprennent plus facilement le mot lorsqu’un échange ou une expérience a lieu en lien avec le nouveau mot. De manière plus précise, on indique qu’à la maternelle, un mot inconnu présent dans une histoire et qui est défini par l’enseignante est appris partiellement par les enfants. Lorsqu’on ajoute à cette exposition un échange entre l’enseignante et les enfants à la manière d’un dialogue, les résultats s’améliore de manière significative (les élèves retiennent mieux le mot et ils en ont une meilleure compréhension). Une étude (Coyne et coll., 2004) indique aussi que l’effet Mathieu (qui dit que l’écart entre les élèves forts et ceux qui ont plus de difficultés a tendance à accroître) pourrait être contre-carré par une stratégie d’enseignement explicite. En effet, ce type d’enseignement n’a pas seulement amélioré le vocabulaire des enfants qui en avaient peu, il a aussi permis de diminuer l’écart entre les enfants qui avaient peu de vocabulaire et ceux qui en avaient plus. Ce n’est pas peu dire !

Autres informations

Les chercheurs de Biemiller et Boote (2006) indiquent qu’il serait positif que les enseignants introduisent plus de mots difficiles durant la lecture d’histoire indiquant qu’enseigner 400 nouveaux mots par année aux élèves de maternelle (10/semaines pendant 40 semaines) serait réaliste selon eux. À la maternelle, les recherches indiquent que les enfants sont exposés à des niveaux très différents de langage oral et à du nouveau vocabulaire (les écarts les plus grands étaient de 4 minutes dans une classe à 90 minutes dans une autre, par jour).

Dans mon bureau: 

√ J’évite d’enseigner des mots de façon décontextualisée. Je remplace l’utilisation de jeux de bingos, de loto et de mémoire par des activités qui offrent un contexte aux nouveaux mots. La lecture d’histoires est l’activité préférée dans les recherches résumées dans l’article. Cette activité a aussi pour avantage de pouvoir être reprise facilement par les parents. Et je n’oublie pas de relire la même histoire à quelques reprises !

√ Si possible, je partage avec mon équipe et mes collègues (éducatrices, enseignants, orthopédagogues, etc.) les résultats de cette étude et/ou j’engage la discussion sur le sujet. Après tout, le vocabulaire, c’est le résultat de toutes les interactions de l’enfant avec son environnement, depuis sa naissance. Alors, ça concerne tout le monde !

√ Lorsque j’intègre de nouveaux mots, je donne au moins une définition, mais je peux aussi :
– questionner les enfants plus vieux sur ce qu’ils pensent que ça veut dire en se basant sur leurs connaissances (À quoi ça te fais penser ? Connais-tu un mot qui ressemble à celui-ci?)
– ajouter un geste ou mimer s’il s’agit d’une action (Ex: pour le mot «gambader», rien de mieux qu’un exemple concret, on se lève et on gambade avec les élèves!), utiliser le mot dans différentes phrases, dans différents contextes 

Référence: A Review of the Current Research on Vocabulary Instruction (National Reading Technical Assistance Center 2010): RMC Research Corporation.