Préscolaire, Scolaire

Des milliers de mots à lire et à comprendre

VocabTitre de l’article : Review of the Current Research on Vocabulary Instruction (National Reading Technical Assistance Center, 2010)

Pourquoi on s’y intéresse ? : Parce qu’on sait qu’il ne suffit pas de connaître les lettres et de pouvoir lire le mot pour comprendre un texte, il faut aussi savoir ce que le mot signifie ! Parce que le vocabulaire est la base de plusieurs autres aspects du langage et qu’il est souvent difficile d’intervenir sur cette composante dans notre bureau lorsqu’on voit l’enfant une fois par semaine. La compréhension des textes écrits s’appuie sur les connaissances de l’enfant en langage oral. L’enfant apprend d’abord la signification d’une tonne de mots qu’il pourra ensuite lire =)

Un brin de méthodologie : Cet article fait un survol des recherches publiées en lien avec l’intervention pour enrichir le vocabulaire des enfants, et ainsi faciliter leur compréhension en lecture. L’étude a interrogé les bases de données ERIC et PsycInfo de 2002 à 2009 avec les mots-clés « reading » et « vocabulary », « vocabulary development » ou « oral language development ». Des 324 articles trouvés, les auteurs en ont retenus 14 dont les résultats et conclusions sont résumées dans l’article. Les critères de sélection des études portaient entre autre sur l’essai d’une intervention dans l’étude et la parution de l’étude dans un journal révisé par les pairs. Les 14 études convergent vers 3 stratégies efficaces pour enseigner du nouveau vocabulaire.

Résultats  : 

1. Fréquence d’exposition aux nouveaux mots :

Une plus haute fréquence d’exposition aux mots serait bénéfique à la rétention du sens du nouveau vocabulaire. Certaines études indiquent clairement que la relecture des histoires est loin d’être un temps perdu, particulièrement avec les enfants à risque de présenter des difficultés de lecture. La relecture d’histoire est une pratique tout à fait recommandée pour les enfants en difficulté. Une étude indiquerait aussi, qu’autour de 8 ans, la quantité d’exposition nécessaire pour apprendre des nouveaux mots est la même pour les enfants en difficulté que pour les enfants avec un développement normal s’il s’agit de se souvenir de la forme du mot (quelle suite de sons forment le mots). Les enfants avec des difficultés de vocabulaire auraient par contre besoin de plus d’exposition pour retenir la signification du mot.

2. Enseignement explicite : 

L’enseignement explicite est aussi reconnu comme étant une mesure efficace pour développer le vocabulaire des enfants. En opposition à l’apprentissage implicite qui a cours lorsque l’enfant entend un mot et qu’il déduit sa signification, l’enseignement explicite a lieu lorsque l’enseignant donne la définition du mot, qu’il pointe l’objet (s’il y a lieu) sur l’image, qu’il le réutilise dans plusieurs phrases pour aider les élèves à construire une représentation complète de ce mot. Tout de suite après la période d’enseignement, les élèves auraient appris aussi facilement les mots qu’ils soient présentés les uns après l’autre au tableau ou qu’ils soient dans un texte où on leur enseigne des stratégies pour découvrir la signification du mot selon l’environnement écrit dans lequel il se trouve. Toutefois, en post-test 3 mois plus tard, l’enseignement des mots dans un texte avec des stratégies serait plus bénéfique : ces élèves comprendraient mieux les textes contenant les mots enseignés que l’autre groupe et ils seraient capable d’appliquer les stratégies utilisées à d’autres mots.

3. Questionnement et lien avec le langage

Les commentaires et les questions sont aussi des bons moyens d’enseigner le nouveau vocabulaire. La profondeur des connaissances sur le mot se développe plus facilement lorsque les questions sont progressivement plus complexes pour s’ajuster au niveau de connaissances des enfants. De plus, les enfants apprennent plus facilement le mot lorsqu’un échange ou une expérience a lieu en lien avec le nouveau mot. De manière plus précise, on indique qu’à la maternelle, un mot inconnu présent dans une histoire et qui est défini par l’enseignante est appris partiellement par les enfants. Lorsqu’on ajoute à cette exposition un échange entre l’enseignante et les enfants à la manière d’un dialogue, les résultats s’améliore de manière significative (les élèves retiennent mieux le mot et ils en ont une meilleure compréhension). Une étude (Coyne et coll., 2004) indique aussi que l’effet Mathieu (qui dit que l’écart entre les élèves forts et ceux qui ont plus de difficultés a tendance à accroître) pourrait être contre-carré par une stratégie d’enseignement explicite. En effet, ce type d’enseignement n’a pas seulement amélioré le vocabulaire des enfants qui en avaient peu, il a aussi permis de diminuer l’écart entre les enfants qui avaient peu de vocabulaire et ceux qui en avaient plus. Ce n’est pas peu dire !

Autres informations

Les chercheurs de Biemiller et Boote (2006) indiquent qu’il serait positif que les enseignants introduisent plus de mots difficiles durant la lecture d’histoire indiquant qu’enseigner 400 nouveaux mots par année aux élèves de maternelle (10/semaines pendant 40 semaines) serait réaliste selon eux. À la maternelle, les recherches indiquent que les enfants sont exposés à des niveaux très différents de langage oral et à du nouveau vocabulaire (les écarts les plus grands étaient de 4 minutes dans une classe à 90 minutes dans une autre, par jour).

Dans mon bureau: 

√ J’évite d’enseigner des mots de façon décontextualisée. Je remplace l’utilisation de jeux de bingos, de loto et de mémoire par des activités qui offrent un contexte aux nouveaux mots. La lecture d’histoires est l’activité préférée dans les recherches résumées dans l’article. Cette activité a aussi pour avantage de pouvoir être reprise facilement par les parents. Et je n’oublie pas de relire la même histoire à quelques reprises !

√ Si possible, je partage avec mon équipe et mes collègues (éducatrices, enseignants, orthopédagogues, etc.) les résultats de cette étude et/ou j’engage la discussion sur le sujet. Après tout, le vocabulaire, c’est le résultat de toutes les interactions de l’enfant avec son environnement, depuis sa naissance. Alors, ça concerne tout le monde !

√ Lorsque j’intègre de nouveaux mots, je donne au moins une définition, mais je peux aussi :
– questionner les enfants plus vieux sur ce qu’ils pensent que ça veut dire en se basant sur leurs connaissances (À quoi ça te fais penser ? Connais-tu un mot qui ressemble à celui-ci?)
– ajouter un geste ou mimer s’il s’agit d’une action (Ex: pour le mot «gambader», rien de mieux qu’un exemple concret, on se lève et on gambade avec les élèves!), utiliser le mot dans différentes phrases, dans différents contextes 

Référence: A Review of the Current Research on Vocabulary Instruction (National Reading Technical Assistance Center 2010): RMC Research Corporation.