Non classé, Préscolaire, Scolaire

Objectifs morphosyntaxiques : quoi choisir ? selon quels critères ?

Titre de l’article : Ten principles of Grammar Facilitation for Children With Specific Language Impairments (Fey, 2003)

Target Dart Goal - Free image on Pixabay

Pourquoi on s’y intéresse ? : Parce qu’on a déjà parlé du vocabulaire, de la phonologie et de la compréhension ! Parce que les difficultés en morphosyntaxe sont nombreuses chez nos enfants avec TDL, et elles se reflètent autant dans le langage oral que dans le langage écrit. Surtout, parce qu’on a toujours besoin de lignes directrices pour adresser un problème aussi vaste que les difficultés morphosyntaxiques, et qu’une intervention efficace débute par le choix d’objectifs d’intervention pertinents. Certains chercheurs (notre ami Kahmi!) ont même dit que le choix d’un bon objectif est encore plus important que la façon dont le nous travaillerons (bon, c’est sujet à débat, mais l’idée est de ne pas perdre de temps à travailler des aspects qui ne sont pas prioritaires, au dépends d’autres objectifs plus pertinents d’un point de vue fonctionnel en thérapie).

Un brin de méthodologie : Cet article n’est pas une revue systématique. Les auteurs rapportent plusieurs études et partagent leur expérience clinique et de recherche. Ils supportent entre autre la thèse de Leonard à savoir ce que les enfants avec un trouble développemental du langage intègrent et assimilent les règles et formes morphosyntaxiques plus lentement que les autres enfants. Les formes morphosyntaxiques les plus difficiles à acquérir seraient celles qui sont représentées de manière faible, irrégulière, rare ou sémantiquement opaque. En se basent sur cette prémisse, les interventions orthophoniques devraient viser à renverser ces difficultés donc, à rendre ces formes morphosyntaxiques plus présentes, moins opaques (en révélant clairement leur fonction), plus saillantes phonologiquement et plus fréquentes dans les activités. Les principes présentés sont bons pour tous les enfants avec des difficultés morphosyntaxiques, mais ils ont été particulièrement réfléchis pour les enfants âgés entre 3 et 8 ans. Seulement 4 des 10 principes présentés dans l’étude seront résumés ici (en lien avec le CHOIX des objectifs). Les autres (en lien avec COMMENT on travaille ces objectifs) sont abordés dans un autre billet.

Résultats  : 

Les auteurs adoptent une perspective de « communication globale » selon laquelle la morphosyntaxe n’est jamais une fin en soi et a TOUJOURS pour but de soutenir un objectif plus grand : celui d’une communication fonctionnelle. On veut donc cibler des habiletés langagières qui ont un impact réel sur l’étendue des actes de communication produits par l’enfant. Voici les quatre principes qui touchent le choix des objectifs :

Principe #1

Les objectifs généraux choisis doivent aider l’enfant à atteindre un but communicatif plus facilement. Par exemple, un des objectifs pourrait être que l’enfant raconte un événement vécu avec plus de clarté. Les auteurs placent la morphosyntaxe comme une des sphères du langage qui est au service de la conversation, de la narration, etc. Certains diront que formuler ces objectifs larges est plus facile à dire qu’à faire, mais qui a dit que notre travail était facile 😉

Principe #2

Ne jamais (ou presque) choisir uniquement des objectifs qui touchent la morphosyntaxe. Entre autre, parce qu’il est extrêmement rare que des déficits soient présents uniquement dans ces aspects du langage. Plutôt, se poser des questions complémentaires, telles que : quelles sont les autres composantes ou habiletés qui sont à risque de poser problème plus tard ? sur le plan social ? lors de l’apprentissage du langage écrit ? etc.

Principe #3

Sélectionner des objectifs intermédiaires qui visent à stimuler l’acquisition d’un processus, plutôt que d’enseigner une forme précise. Un processus pourrait être de produire les sujets en début de phrase, d’intégrer les déterminants ou les auxiliaires dans les phrases plutôt que de cibler uniquement la flexion de genre des déterminants (p.ex., « un/une », « le/la », dont la règle sous-jacent est extrêmement arbitraire). Stimuler le système grammatical « général » de l’enfant faciliterait ses apprentissages hors de notre bureau. Ainsi, le choix de ses objectifs « intermédiaires » est très importants. En stimulant ces objectifs plus larges, on risque d’avoir un impact plus large aussi !

Principes #4

Choisir des objectifs spécifiques en se basant sur le besoin pour l’enfant d’acquérir ces nouvelles formes ou selon sa zone proximale de développement (readiness). Les auteurs nomment deux contextes qui seraient propices au progrès : l’intervention visant une structure que l’enfant utilise de manière inconstante ou des structures que l’enfant ne produit pas encore tout en construisant des phrases qui devraient les inclure. Ex. : « C’est moi joue » au lieu « C’est moi qui joue »; « J’ai envie dessiner » pour « J’ai envie de dessiner. »

Les six autres principes abordés dans cet article, et reliés à comment travailler ces cibles morphosyntaxiques seront résumés dans un autre article !

Dans mon bureau: 

√ Je remet en question les objectifs micro-gradués. Il est plus payant sur le long terme de stimuler une catégorie ou une fonction de la phrase, ou d’introduire un nouvel élément grammatical qui permet à l’enfant de faire de nouvelles choses avec son langage (Phrases SVC, SVCC, utilisation des prépositions, utilisation conjonctions de coordination ou de subordination, acquisition d’un nouveau pronom ou d’un nouvel élément grammatical) plutôt que de choisir des cibles trop précises (« sablage final »: je/tu alors que l’enfant exprime déjà la possession par le moi/toi). Maximisons le peu de temps que nous avons en thérapie pour complexifier le langage compris et dit par les enfants.

√ Je choisis des objectifs morphosyntaxiques (généraux, intermédiaires et spécifiques) avec soin en me basant pas seulement sur ce que l’enfant ne produit pas encore, mais surtout sur ce qu’il lui serait utile d’apprendre pour compléter ses phrases. Les progrès risquent d’être plus grands et plus fonctionnels ainsi.

Je ne dérive pas d’objectifs à partir de la performance de l’enfant à des tests formels ou informels où l’enfant doit compléter des phrases ou générer des phrases dans un contexte incitatif/restrictif. Le corpus spontané est le meilleur endroit où regarder pour trouver des objectifs morphosyntaxiques de qualité, qui permettront réellement à l’enfant de mieux être compris. Le but des tests formels = identifier la présence d’un trouble du langage / Le but de l’intervention = augmenter/varier l’étendue des actes et objectifs que peut remplir l’enfant avec son langage. Ce qui est en deça des attentes développementales et ce qui doit être travaillé de façon prioritaire sont deux choses différentes.

Référence: Fey, Marc et al. (2003) American Journal of Speech-Language Pathology, Ten principles of Grammar Facilitation for Children With Specific Language Impairments, 12;1, p.3-15 

Laisser un commentaire