Cet article a été résumé par Sophie Daigle et Andréanne Savard, étudiantes en orthophonie à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal suite à l’initiative d’Ingrid Verduyckt, professeure au département. Mesdames Daigle et Savard ont reçu le premier prix pour la qualité de leur résumé ! Un grand merci à Ingrid Verduyckt pour son initiative et sa collaboration.
Titre de l’article : Effects of Voice Therapy in School-Age Children (Senkal et Çiyiltepe, 2013)
Pourquoi en parler ? :
L’intérêt pour la recherche dans le domaine des thérapies vocales est grandissant. Les professionnels ne sont pas unanimes quant à l’utilisation des thérapies vocales chez l’enfant étant donné qu’il existe actuellement peu d’évidences de leur efficacité dans la littérature. Toutefois, la persistance de la dysphonie, la possibilité de complications à long terme en l’absence de thérapie vocale et la qualité de vie significativement diminuée chez les enfants présentant une dysphonie par rapport aux enfants du même âge justifient l’intérêt porté à la thérapie vocale chez les enfants d’âge scolaire.
Actuellement, la thérapie vocale chez l’enfant est basée sur les approches utilisées chez l’adulte. L’approche la plus adaptée à la population infantile n’est cependant pas déterminée.
Ainsi, la présente étude vise à répondre partiellement au besoin d’augmenter l’évidence de l’efficacité des différentes approches de thérapie vocale chez les enfants d’âge préscolaire.
Un brin de méthodologie :
L’article présente une étude de cohorte rétrospective comparative non randomisée.
Participants : 99 enfants âgés de 7 à 15 ans (moyenne d’âge de 10,56 ans) ont été sélectionnés pour cette étude réalisée en Turquie. La cohorte était constituée de 62 garçons et de 37 filles qui avaient été évalués en oto-rhino-laryngologie (ORL) en raison d’une plainte liée à une dysphonie. Leurs symptômes perduraient depuis au moins deux mois. Aucun d’entre eux n’avait suivi une thérapie vocale avant cette évaluation.
La visualisation laryngée par vidéolaryngostroboscopie avait révélé chez eux l’une des anomalies suivantes : nodules qui sont d’ailleurs (62 enfants), tensions musculaires laryngées (9 enfants), polypes (2 enfants), mue faussée (8 enfants), oedème au niveau des plis vocaux (6 enfants), reflux gastro-oesophagien (RGO) (9 enfants), paralysie du pli vocal (1 enfant), larynx normal (2 enfants).
Méthode : À la suite d’une évaluation ORL par vidéolaryngostroboscopie, l’évaluation préliminaire et la thérapie vocale avaient été réalisées par deux orthophonistes formés pour le traitement des troubles de la voix. Tout d’abord, les habitudes vocales avaient été déterminées à l’aide de questionnaires remplis par les parents. L’évaluation perceptuelle de la voix de chaque enfant avait ensuite été réalisée en contexte conversationnel et à la suite d’analyse d’enregistrements vocaux selon l’échelle GRBAS. Cette dernière permet une cotation subjective de la qualité vocale selon cinq paramètres : le grade global (G) qui représente le degré général d’anormalité de la voix, la raucité (R), le souffle (B), l’asthénie (A) et le forçage (S). Le temps maximal de phonation (TMP) pour la production d’une voyelle soutenue et le ratio s/z avaient également été mesurés.
Les modalités de la thérapie avaient subséquemment été déterminées par l’orthophoniste selon les besoins de l’enfant. La thérapie était réalisée à raison d’une ou deux séances de 30 minutes par semaine pour un total de 1 à 11 rencontres.
Les approches d’intervention suivantes ont été utilisées :
- la thérapie centrée sur l’hygiène vocale qui vise la modification des comportements vocaux pouvant entraîner des lésions des plis vocaux;
- la thérapie symptomatique qui vise le traitement de l’anormalité de la qualité vocale;
- la thérapie physiologique qui a pour but l’optimisation de la production de la voix.
Résultats :
Administration des thérapies vocales selon les pathologies :
- Nodules :
- Thérapie physiologique (29 %)
- Thérapie symptomatique (40 %)
- Thérapie centrée sur l’hygiène vocale (31 %)
- RGO :
- Thérapie physiologique (49 %)
- Thérapie centrée sur l’hygiène vocale + traitement pharmacologique (51 %)
- Tensions musculaires :
- Thérapie physiologique (55,5 %)
- Thérapie symptomatique (33,3 %)
- Thérapie centrée sur l’hygiène vocale (11,2 %)
- Œdème :
- Thérapie centrée sur l’hygiène vocale (83,3 %)
- Thérapie symptomatique (16,7 % une)
- Polype, mue faussée ou paralysie du pli vocal : une thérapie symptomatique.
- Larynx normal à la visualisation laryngée : thérapie centrée sur l’hygiène vocale.
Évaluation perceptive :
- GRBAS : Selon les auteurs, la thérapie vocale a été efficace pour tous les participants, car les résultats de l’évaluation perceptive étaient significativement meilleurs après la thérapie (changements significatifs résultant en une amélioration de la cotation):
- Paramètres G et R : changements significatifs avant et après les trois types de thérapies
- Paramètre B : changements significatifs pour les thérapies centrée sur l’hygiène vocale et symptomatique
- Paramètre S : changements significatifs pour les thérapies physiologique et symptomatique.
- Paramètre A : aucun changement significatif (coté à 0 avant et après les trois types de thérapies)
- TMP (temps maximal de phonation) : changements significatifs après les trois types de thérapies (TMP moyen augmenté).
- Ratio s/z : changements significatifs pour la thérapie symptomatique seulement (augmentation du ratio).
En résumé :
La thérapie physiologique a été efficace pour éliminer la raucité et le forçage au niveau perceptif. Elle a eu un effet positif sur la qualité et la fonction vocale. Celle-ci requiert par contre une participation active et une implication à long terme de l’enfant, des parents et de l’orthophoniste.
La thérapie centrée sur l’hygiène vocale a permis d’améliorer la qualité vocale au niveau du souffle et de la raucité chez les participants de cette étude.
La thérapie symptomatique est celle ayant été la plus efficace pour les participants de cette étude. Tous les paramètres étudiés étaient significativement différents à la suite de la thérapie. Selon la littérature, celle-ci est d’ailleurs très utilisée pour les nodules et est très individualisée. Elle s’étale sur quelques semaines et est facile à comprendre.
L’étude a, selon les auteurs, prouvé l’efficacité de la thérapie vocale chez des enfants d’âge scolaire, en clinique externe dans les villes d’Adana et d’Ankara en Turquie.
Selon les auteurs, la participation des parents à la thérapie vocale est essentielle. Le contexte scolaire a également un rôle et les thérapeutes vocaux devraient considérer l’importance du comportement vocal du professeur comme modèle pour l’enfant. En prévention des problèmes vocaux chez les enfants d’âge scolaire, les auteurs proposent l’idée de formations aux enseignants du primaire concernant les capacités communicatives de ces enfants.
Limites :
L’étude présente les limites d’être rétrospective et de ne pas posséder de groupe contrôle. Les auteurs mentionnent aussi le désavantage de ne pas suivre les enfants pour qui la dysphonie est demeurée après la thérapie. Elle était toutefois basée sur un large échantillon et concernait une population spécifique.
Dans mon bureau :
- Je tiens compte du fait que le niveau de preuve de cette étude est faible et que l’efficacité de la thérapie vocale chez les enfants d’âge scolaire est encore à documenter.
- J’utilise une thérapie appropriée au problème vocal de l’enfant, en gardant en tête que l’approche symptomatique semble la plus efficace.
- Je me rappelle que plusieurs variables comme l’implication des parents, la participation active de l’enfant et l’expérience du clinicien peuvent influencer l’efficacité de la thérapie vocale chez les enfants d’âge scolaire et j’insiste sur l’implication des parents et de l’enfant.
- Je participe à la promotion des problèmes vocaux chez les enfants d’âge scolaire et quand je le peux, je tente de conscientiser les enseignants à l’importance de donner un bon modèle vocal.
Référence: Şenkal, Ö. A., et Çiyiltepe, M. (2013). Effects of voice therapy in school-age children. Journal of Voice, 27(6), 787-e19. doi:10.1016/j.jvoice.2013.06.007